Retour sur la Japan Expo 2023
L’école des fans
Un défi pour la treizième édition de la Japan Expo, rendez-vous incontournable des amateurs de cosplay, de mangas et de K-pop : arracher une dédicace à un youtuber insaisissable !
« Quoi, y a Sora à la Japan Expo ?! Mais c’est mon youtuber favori ! » Voilà que notre virée à la Japan Expo, ce rendez-vous incontournable pour les amateurs de mangas, cosplay et autres déclinaisons de la pop culture japonaise, va tourner au péplum ! On croyait partager une information totalement anodine. Si l’an dernier, les mômes étaient restés hermétiques aux expos consacrées à Goldorak et Cobra, là, notre gamine voudra obtenir à tout prix une dédicace de son idole !
De fait, pour nous, Sora était jusqu’à peu un parfait inconnu, si ce n’est que sa trogne nous a fait penser à une autre vedette des réseaux sociaux, Squeezie, qui, contrairement à Norman, ne s’est pas fait connaitre à la rubrique « faits divers ».
On débarque donc au parc Chanot quasi à l’ouverture avec, outre notre fille, son frangin, flanqué de deux de ses potes pour son anniversaire. Si ces derniers disparaissent rapidement dans les travées du salon, notre fille, ayant revêtu pour l’occasion son kimono, n’aura qu’un seul but : rencontrer son youtuber favori.
Sans oublier de faire quelques emplettes car, comme le Hero Festival, la Japan Expo est un gigantesque supermarché où l’on peut acheter tout ce qui se rapporte à la culture nippone : mangas, animes mais aussi figurines, vêtements, nourriture, alcool…
Autant dire que notre fille tournera comme un requin autour des peluches trop « kawai » représentant chatons et autres champignons. On s’en tire avec des mooshies et des boucles d’oreille. De fait, une des rares choses qui est « free », ce sont les « hugs », comme on peut le lire sur les pancartes que brandissent nombre de visiteurs proposant à leurs comparses de les prendre dans leurs bras pour une accolade tout ce qu’il y a de plus fraternelle.
Bon nombre d’endroits de cette manifestation échappent quand même à cet appel au consumérisme avec des initiations à la calligraphie, au jeu de go… Las, les expos autour de la série bien connue des « boomers » qu’est Cat’s Eyes (un trio de sœurs cambrioleuses) ou celle, superbe, autour de Godzilla n’auront que peu de succès auprès de notre marmaille.
Car notre mission, c’est de voir en vrai, en chair, en os et en sweat rose, Sora ! Si, dans certaines manifestations, dédicaces et photos avec une vedette sont carrément payantes, là, c’est gratuit mais méchamment aléatoire. Comme on nous l’explique au stand « information » : « Il faut se connecter à l’appli et s’inscrire. Premier arrivé, premier servi ! » On lui montre notre vieux téléphone tout sauf « smart » : « Ah oui, ça va être compliqué. Faut aller à l’espace dédicace et tentez votre chance avec votre billet d’entrée. » Retour quasi à l’entrée du salon.
C’est derrière une rangée de tables que s’alignent les vedettes. Pour y accéder et échanger quelques mots avant de repartir avec une photo signée, il faut montrer patte blanche. Donc son smartphone. Autre solution ? Faire scanner son billet pour participer à un banal tirage au sort. Peine perdue : aucun des billets scannés ne se révélera gagnant.
Alors notre gamine observera avec un regard de chien battu sa vedette qui se trouve à seulement quelques mètres d’elle mais derrière des barrières. Il se prêtera tout de même, à la fin de la séance, au jeu des photos et des selfies avec ses fans qui s’agglutinent autour de ce môme de moins de trente ans qui ne paye pas de mine mais qui, ayant commencé avec des vidéos de gaming, pèse désormais plusieurs millions d’abonnés !
Le lot de consolation ? Ce sera de le voir sur la grande scène, au côté d’un autre youtuber et de Brigitte Cordier, la « voix » de Dragon Ball, pour un jeu destiné à faire gagner une console de jeu. Au programme ? Du mime, des dessins et un blind-test pour trouver les génériques de dessins animés. L’équipe de Sora perdra. Cela n’empêche pas notre fille de commenter, à chacune de ses punchlines : « T’as vu, il est drôle, non ? » Ni une gamine de tromper la vigilance de la sécurité pour venir lui demander une dédicace : « J’veux bien parce que t’as fait preuve d’audace ! » Aussitôt, plusieurs dizaines de gosses courent vers la scène : « Non, la séance photo, c’est tout à l’heure !»
Là encore, notre fille devra se contenter de regarder de loin son idole. Une responsable de la sécu lui suggère : « Tu ne veux pas une dédicace de quelqu’un d’autre ? Là, regarde, il y a une dame qui a écrit un livre sur quelqu’un qui a fait découvrir le Japon en France ! Oui, c’est vrai, c’est pas Sora… »
Un bubble-tea fera oublier cette déconvenue. Et si les stands de jeux, de combat de sabre-laser, d’arts martiaux ou celui à la gloire de H.P Lovecraft n’intéresseront guère notre marmaille, elle se console avec tout ce qui tourne autour de la K-pop et de la musique venue du pays du Soleil Levant.
Durant toute la journée, comme si l’on était dans une partie de Just Dance qui ne s’arrête jamais, danseurs et surtout danseuses se succèdent pour enchaîner les chorégraphies sur leurs musiques favorites. On reste interloqué devant une expo consacré à BTS. Non, ce n’est pas le diplôme : « C’est un groupe de musique. Oui, comme les Black Pink ! », lâche notre gosse sur le ton de l’évidence devant les reproductions en carton de ce boys’ band coréen.
Sur une petite scène, on aura droit à la prestation de Mion, chanteuse japonaise qui officie depuis dix ans puis, un peu plus tard, de Takuya Sugimoto, le chanteur du groupe de J-pop Black Iris. Le public, entre curieux et fins connaisseurs, a l’air ravi mais nous, ce n’est vraiment pas notre tasse de thé ! On trompera notre ennui en allant boire une bière d’inspiration japonaise brassée à côté de Saint-Étienne et en évoquant Spiderman avec un dessinateur adaptant en mode « manga » les super-héros les plus connus. Sourire aussi en voyant un de ses collègues proposer des « dessins nuls » pour deux euros, une des propositions les plus honnêtes.
C’est la fin d’après-midi. On est sur les rotules et on retrouve enfin notre pré-ado qui, pour son douzième anniversaire, après avoir lorgné avec ses potes sur les stands vendant des vrais-faux katanas et autres accessoires de cosplay, finit la journée au stand d’une école de jeu vidéo basée à Avignon : « T’as vu, c’est génial ! On a pu tester en avant-première des jeux qui ne sont pas encore sortis ! »
On n’est pas fâché de retrouver l’air libre et de laisser derrière nous Pikachu et compagnie. Du coin de l’œil, on note que le parc Chanot accueillera bientôt le « salon de la piscine et du jardin » avec, en guise d’« invité d’honneur », Stéphane Plaza. Alors on se dit que passer la journée à la recherche d’un youtuber insaisissable, finalement, c’est pas si mal !
Sébastien Boistel
La Japan Expo avait lieu du 24 au 26/02 au Parc Chanot.
Pour en (sa)voir plus : www.japan-expo-sud.com/fr/