A deux pas du Vieux-Port, P’Silo propose une immersion sans pareil dans l’univers de l’image vidéo, questionnant notre rapport à la représentation et nos liens avec l’émotion, fussent-ils violents. S’interroger sur l’image par le ressenti, telle est l’une des formes de l’expérimentation visuelle… (lire la suite)
A deux pas du Vieux-Port, P’Silo propose une immersion sans pareil dans l’univers de l’image vidéo, questionnant notre rapport à la représentation et nos liens avec l’émotion, fussent-ils violents. S’interroger sur l’image par le ressenti, telle est l’une des formes de l’expérimentation visuelle.
Oubliez les pâles sections parallèles expérimentales qui créditent la plupart des festivals, leur conférant une vague couleur innovatrice. Amis de l’Image, celle-là même qui nous inonde, que l’on croit toujours connaître et qui sans cesse nous échappe, amis de l’inconnue visuelle, du désentrelacement réfléchi, du champ et du hors-champ, du son et du bruit, de l’odeur et des couleurs, de l’élasticité et du cadre, amis de la liberté, ce festival est pour vous. De la bouche des organisateurs eux-mêmes, « cette sixième édition est de loin la meilleure. La sélection possède une homogénéité incroyable, tout en offrant ce que la vidéo expérimentale parvient aujourd’hui à explorer. Il est évident que ce champ d’action artistique touche encore, voire surtout, aujourd’hui, au cœur du sensitif. » Peut-être parce qu’il s’agit là d’une rare forme qui échappe encore au diktat commercial, conférant aux artistes une liberté totale. Cette édition est riche de sens dans le fait qu’elle confirme de prime abord le talent de vidéastes qu’accompagnent depuis leurs débuts les membres de P’Silo. Samuel Bester, Augustin Gimel, Emmanuelle Sarrouy, Jean-Paul Noguès, habitués du Festival, offrent cette année une œuvre dense, éminemment mature, sans une once de redondance, empreinte d’une même fougue créatrice. A voir leurs œuvres, on comprend que la vidéo expérimentale est une jungle. Une jungle humaine (humaniste ?), visuelle et sonore, formidablement fertile et d’apparence anarchique. Mais l’équilibre reste en filigrane d’œuvres apparemment déstructurées. Or, on sait depuis Platon que l’apparence est un mirage, et que le cinéma s’est construit sur un défaut visuel. Le kaléidoscope des œuvres qui seront présentées est celui de l’âme humaine, une formidable machine à ressentir, lorsque tant d’images nous éteignent. De fait, le choix de présentation des œuvres n’est pas innocent : six modules, six chemins à la croisée du parcours. Les programmes, réunissant soixante-cinq films, parlent d’eux-mêmes : Sens, Identité, Mouvement, Perception, Espace, Temps. Cette sobriété de classification est d’une richesse incroyable. Les écrans se répondent tout en conservant indépendamment leur champ d’action. Si le programme Sens avance par énigmes, le programme Temps vient quant à lui interroger notre capacité de réactivité aux formes toujours changeantes, donc notre propre capacité d’analyse, donc notre propre capacité d’indépendance. L’indépendance, maître mot d’un festival qui navigue sans plan de carrière, maître mot d’une volonté d’ouvrir toujours et encore, quand les mauvais penseurs veulent au contraire enfermer le genre dans un costume trop étroit. Des quatre coins de la planète, les six programmes nouent une relation toujours renouvelée à l’Autre. Donc à nous-mêmes. Gaël Bentein, Carlo Cassagno, Rini Yun Keagy, Eva Drangsholt, Kara Hearn, Johanna Vaude, Dominik Lange, Pierre Merejkowsky… autant de réalisateurs dont l’interrogation reste le dessein de nos aspirations secrètes, nous ouvrant ainsi les voies de la perception. Alors que parallèlement aux projections, la vidéothèque de P’Silo reste ouverte dans l’après-midi au Vidéodrome, la soirée d’ouverture a révélé les derniers travaux d’Augustin Gimel, alors que la clôture, réputée conviviale, proposera le film de Coralie Amédéo et Emmanuelle Sarrouy. Entre les deux, quelques jours de bonheur et l’ouverture du regard. Un autre regard.
Sellan
Jusqu’au 6/07 à la Salle des Lices (7e).