Millefeuille | La Maison de mon père d’Akos Verboczy
Akos Verboczy est né en Hongrie et a émigré au Québec à l’âge de onze ans. C’est en français qu’il écrit son premier roman, La Maison de mon père, publié aux éditions marseillaises Le Bruit du Monde. Tout comme dans son récit Rhapsodie québécoise, publié en 2016, il y aborde les questions de l’exil et de l’identité, cette fois grâce à un retour dans son pays natal.
Le but de ce retour en Hongrie est flou et, dans les premiers chapitres du roman, le narrateur se questionne sur les raisons de sa venue à Budapest : est-il en « vacances » ? Comment va-t-il occuper son temps ? Doit-il se considérer comme un touriste, comme un local ?
Sa déambulation dans les quartiers de la capitale, au gré de visites aux membres de la famille et aux amis d’enfance, lui permettent d’examiner les liens qui l’attachent encore à ce pays et à cette ville : la langue, les souvenirs, une relation à la fois distante et tendre avec « ceux qui restent ». Le roman suit ces pérégrinations, constellées de plongées dans le passé et au sein desquelles la figure du père est omniprésente. La maison de campagne de ce dernier, qui donne son titre au roman ainsi qu’au dernier chapitre, apparaît comme un symbole d’une relation idéalisée avec un père volage, que le narrateur a peu connu mais qui occupe constamment son imaginaire. Cette maison sans cesse évoquée, dans laquelle il ne s’est rendu que deux fois, semble appartenir au domaine du rêve, celui d’un « retour à la maison » idyllique et inespéré.
L’évocation de l’histoire familiale s’entrelace aux anecdotes historiques, voire à des rappels détaillés de l’histoire de la Hongrie, de plus en plus nombreux au fil du roman. Ces derniers n’enlèvent rien à la tonalité légère du récit, empreinte à la fois d’une douce nostalgie et d’un humour discret. Le roman, bien qu’abordant des thématiques désormais classiques de la littérature québécoise (l’exil, la double identité, l’immigration) évite la linéarité du récit autobiographique. De fait, l’auteur s’est progressivement distancié du genre au fil de son écriture car, comme il l’explique dans un entretien avec le Boréal Express, « le récit exigeait un travail d’imagination pour combler les trous (de mémoire), pour décrire des événements dont [il] n’étai[t] pas témoin, pour accélérer le récit, pour rendre le texte plus fluide, pour créer des atmosphères, pour caractériser les personnages. » (1)
Il en ressort un ouvrage très plaisant à lire, à l’écriture douce, subtile et mettant en scène une imposante galerie de personnages secondaires qui, l’un après l’autre, tissent les liens entre l’enfance du narrateur et ses recherches contemporaines.
La Maison de mon père offre finalement le portrait d’une Hongrie encore empreinte du passé soviétique, où cohabitent le « monde d’avant » et le « monde d’après ». Les déambulations du narrateur, entre Budapest et le lac Balaton, permettent au lecteur de suivre ses réflexions, l’évolution de certaines de ses représentations et d’être à son tour le réceptacle de ces « histoires » douces-amères.
Gabrielle Bonnet
À lire : La Maison de mon père d’Akos Verboczy (Éditions Le Bruit du Monde)
Notes
- « La Maison de mon père d’Akos Verboczy -. Retour en terre natale entre nostalgie et ironie », éditions du Boréal, printemps 2023[↩]