Il paraîtrait que « la vie, c’est ce qui nous arrive quand on fait autre chose », mais encore ? En mettant en scène L’Inattendu de Fabrice Melquiot, la compagnie du Mini Théâtre nous laisse entrevoir qu’à trop chialer, on en oublierait presque l’essentiel…
Il paraîtrait que « la vie, c’est ce qui nous arrive quand on fait autre chose », mais encore ? En mettant en scène L’Inattendu de Fabrice Melquiot, la compagnie du Mini Théâtre nous laisse entrevoir qu’à trop chialer, on en oublierait presque l’essentiel.
Une scène dépouillée, un lit défait, quelques vêtements, une table sur laquelle sont posées une bouteille et des bougies, des voiles tendus pour figurer l’extérieur… Le décor est planté. Dans l’obscurité entre un couple enlacé, dansant. L’homme dépose la femme sur son lit, elle va pouvoir commencer à nous conter son histoire. Liane est seule, elle a perdu l’être aimé, se dit veuve et en porte la couleur, noire. Son long monologue, décliné essentiellement sur le mode du « je », s’adresse à l’absent… qui dépose régulièrement des flacons colorés au pied du lit et que Liane découvre petit à petit. Ils seront autant de jalons dans son parcours initiatique. Les aplats de couleur — bleu de Prusse, indigo, gris perle, beige, rouge saturne, vert bouteille, rouge sang, jaune, terre de Sienne — éveillent sa mémoire affective. A chaque couleur, un souvenir révèle le passé perdu. Le texte donne à entendre alors la tristesse, la colère, le désespoir, avec des mots simples, parfois crus, souvent drôles. Liane (Wilma Lévy) nous parle avec émotion et truculence. Sa confession n’est pas compassion, elle devient peu à peu action. Le monde extérieur fait intrusion à travers des thèmes chers à l’auteur : la guerre, la mort, la misère, la perte se déclinent ici sous forme de bruits d’armes à feu ou sous celle d’un inventaire à la Prévert du Malheur des autres. A cette empathie événementielle se rattache toujours le vécu de Liane, mais la mémoire finit par révéler le lien entre le sujet et le monde qui l’entoure. Liane a vu, fait son travail de deuil et pris conscience qu’attendre est vain et qu’elle doit désormais se préparer à l’Inattendu. Voilà une pièce à l’esthétique épurée, servie par une actrice donnant vie aux mots et par la double irruption d’un homme (le chorégraphe Patrick Servius) dont les mouvements font signes. Le Théâtre de la Calade devrait reprendre le spectacle mis en scène par Anny Perrot la saison prochaine : attendez ! Vous découvrirez un flacon blanc et peut-être l’inattendu…
Texte : HP
Photo : Patrick Servi
L’Inattendu était présenté du 17 au 21 au Théâtre de Lenche