La classe ouvrière va au paradis

Fin avril, les équipes de Scènes & Ciné proposent à Fos, Miramas et Port-Saint-Louis-du-Rhône la manifestation « La mémoire ouvrière », où théâtre, cinéma, littérature et expositions offriront un regard kaléidoscopique sur tous les engagements du monde ouvrier.

La représentation du monde ouvrier dans le cinéma (français et américain en tête) n’est restée que sporadique entre La sortie des usines Lumière et la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Malgré les grands mouvements sociaux qui secouaient les pays occidentaux dans la première moitié du 20^e siècle, seuls quelques films s’en firent l’écho, soit un petit nombre au regard de la masse de productions qui couvrent cette période. Dès 1945, et ce jusqu’à nos jours, la tendance s’inversa de façon exponentielle. Le cinéma regardait enfin le monde ouvrier dans les yeux, sans caricature, sans suffisance, et accompagnait, a fortiori dès la seconde moitié des années 60, les combats ouvriers qui faisaient rage. Les caméras — souvent légères — s’échappaient des studios et bâtissaient une mémoire cinématographique ouvrière, dont certaines pages comptent parmi les plus belles du cinéma. Dans un contexte économique, social et politique en profonde mutation, cette représentation — passée, actuelle, future — devient particulièrement fondamentale. On ne compte plus, d’ailleurs, aujourd’hui, les opus (fictions ou documentaires) qui s’emparent de la question. C’est ce qui a sans nul doute motivé les équipes de Scènes & Ciné à proposer la manifestation « La mémoire ouvrière ». Couvrant un territoire où la lutte ouvrière fut particulièrement prégnante et a participé à en construire l’histoire (Fos, Miramas, Port-Saint-Louis-du-Rhône), ce rendez-vous mêle subtilement spectacles vivants, cinéma, littérature et expositions. Au chapitre de l’image en mouvement, deux films récents se taillent la part belle d’une programmation kaléidoscopique : les excellents C’est quoi ce travail ? de Luc Joulé et Sébastien Jousse, et Comme des lions de Françoise Davisse abordent le sujet sous des angles formels et scénaristiques certes différents, en proposant cependant, tous deux, une écriture intelligente et universelle. Notons que Luc Joulé sera accompagné, pour la présentation de son film, de l’écrivain François Bon (on se souvient de son excellent ouvrage Sortie d’usine), que l’on retrouve par ailleurs coréalisateur, avec Emmanuel Roy, du film Chant Acier, également présenté lors de cette manifestation. Parallèlement à cette programmation cinématographique, trois spectacles théâtraux (le magnifique Les Filles aux mains jaunes dont nous vous parlions dans le numéro précédent, Retour à Reims et La Brique) et deux expositions photographiques enrichiront les regards sur une mémoire ouvrière aujourd’hui volontairement mise à mal, et qui reste cependant le ciment même d’une construction sociale et d’une histoire collective.

Emmanuel Vigne

La mémoire ouvrière : du 27 au 30/04 à Fos, Miramas et Port-Saint-Louis-du-Rhône.
Rens. : www.scenesetcines.fr

Le programme complet de la manifestation « La Mémoire ouvrière » ici