La Nuit des Griots

Complète Mandingue

 

Le Burkinabé Issiaka Kouyate, directeur artistique et président de l’association Live Culture, ne lâche rien. L’association porteuse du festival La Nuit des Griots offrira au public pour la quatrième année consécutive, et toujours sans subventions publiques, un programme varié d’une qualité exceptionnelle.

 

Griot… Ques aco ? Victor Da, responsable de communication du festival, explique : « En Afrique de l’Ouest, qui dit griot dit forcément tradition orale, et surtout pouvoir de la parole. Dans la société mandingue, le griot (djéli) est en effet l’artisan du verbe, au même titre que le forgeron (numun), qui est celui du métal : comme lui, il est nyamakala (artisan, homme de caste). Instrument de prestige des puissants, arbitre des conflits sociaux, il peut être généalogiste, voire même doma, c’est-à-dire traditionnaliste, détenteur des légendes et des mythes. Musicien, il a longtemps gardé le monopole du jeu des instruments mélodiques, seuls quelques tambours pouvant être battus par des non griots. Il est le chantre, le héraut de la société mandingue, et par là même, son influence sur ladite société paraît évidente. Dès lors, parler de musique et de pouvoir à propos des griots, c’est d’abord évoquer le pouvoir du griot à travers sa musique, un pouvoir exercé sur ceux qui l’écoutent, c’est-à-dire toute la société mandingue, à des degrés différents selon les échelons de la hiérarchie sociale.

Pourtant, la relation n’est pas si simple. Tout influent qu’il soit, le griot subit lui-même des pressions externes, consciemment ou non. Elles peuvent être d’ordre matériel, le griot s’attachant le plus souvent à un horon (noble) dont il chantera les louanges, mais qui risquera parfois d’influencer à son tour le répertoire de son griot, en fonction de ses propres caprices. » 

La Cité de la Musique accueillera le 28 mars deux griots pour une Nuit des Contes qui s’annonce mémorable. On n’« assiste » pas à un conte africain mais on est captivé, on rit, les larmes au bord des yeux, et en quelques mots le conteur semble savoir hypnotiser par son art. François Moïse Bamba, dit le « Forgeron Conteur », nous embarquera pour le début de soirée grâce à son art du conte transmis par son père, François Diep. Coordinateur du Réseau de Conteurs d’Afrique de l’Ouest Afrifogo, François Moïse Bamba fait rêver les publics du monde entier grâce à un subtil mélange d’histoires traditionnelles, de récits contemporains inspirés de son vécu et de créations. Son travail met en lumière la richesse du patrimoine oral burkinabé mais questionne aussi les sociétés contemporaines. Nestor Mabiala poursuivra en faisant résonner des récits inspirés de la vie courante congolaise, des contes de la brousse et de la forêt, ainsi que d’autres revus et corrigés par l’artiste tels que Je veux une cuisse de poulet, Le Congo en finale de la coupe du monde et bien d’autres anecdotes savoureuses. Fils de feu le conteur Benoit Mabiala, ses fables anodines et inédites racontent le riche passé de ses aïeux.

Pour clôturer cette soirée envoûtante, place au musicien sénégalais Ibrahima Cissokho et son Mandingue Foly. La langue mandingue et sa culture trouvent leurs racines dans une région d’Afrique de l’Ouest comprise aujourd’hui entre le Mali, la Guinée, la Côte-d’Ivoire, le Burkina Faso, le Liberia et la Sierra Leone. Charismatique et ancré dans la pure tradition, Ibrahima Cissokho a été bercé par le mbalax. Avide d’autres cultures, fan de blues, jazz, salsa, classique et soul, il intègre dans son univers les riffs, rythmes, grooves et mélodies de ces différents styles. À son arrivée en France en 2008, il s’entoure de musiciens de talent afin de développer son propre projet musical : le Mandingue Foly, dont il compose le répertoire en chantant et en caressant la kora. Un style de musique innovant est né : il aborde en mandingue, wolof et anglais des thèmes lui tenant à cœur tels que le chômage, l’éducation, la solidarité, l’amour ou le passé.

Le 29 mars, la Cité de la Musique donnera la parole aux talents féminins. L’acoustique pointue du lieu accueillera les trois griottes du groupe Djelykan, accompagnées de balafon, de percussions et de basse. Elles reprendront un répertoire de musiques mandingues traditionnel pour nous envelopper l’âme et faire chalouper nos bassins. La Sud-Africaine Sibongile Mbambo clôturera cette soirée et nous égayera de sa couleur musicale si personnelle emprunte de jazz, de musiques du monde glanées au cours de ses tournées et de nuances africaines.

Le festival prendra fin au Makeda avec le groupe Ezza, dirigé par le Nigérien Omar Adam, qui propose un mélange de musiques touareg et rock. Des rythmes envoûtants qui nous pousseront à la transe, que l’on pourra librement laisser s’exprimer pendant l’after qui s’ensuivra.

En parallèle, le festival offrira la possibilité de participer à un stage de balafon ouvert à tous au C.M.A. Jeanne d’Arc. Cet instrument, également appelé bala ou balani, est une percussion originaire du Mali. Il serait présent dans la musique mandingue depuis le XIVe siècle, mais la légende raconte que le premier balafon serait né dans le royaume de Sosso durant le XIIe siècle, entre la Guinée et le Mali. L’hymne national du Sénégal dit d’ailleurs « Pincez tous vos koras, frappez les balafons ». L’initiation sera dirigée par Seydou Diabaté, dit Kanazoé. Ce Burkinabé est reconnu par ses pairs à travers toute l’Afrique mandingue comme le jeune génie du balafon, tant pour ses prouesses techniques que pour sa créativité.

 

Catherine Moreau

 

La Nuit des Griots : du 28 au 31/03 à Marseille.

Rens. : http://live-culture-france.fr/la-nuit-des-griots-2019

La programmation complète de La Nuit des Griots