La Quinzaine des Réalisateurs à L’Alhambra
La quarantième rugissante
Née sur les cendres de Mai 68, lancée en 1969, la Quinzaine des réalisateurs, rapidement devenue la plus pugnace des sections parallèles du Festival de Cannes, a fêté cette année son quarantième anniversaire. Un mois après avoir monté les marches, la sélection débarque du côté de l’Estaque, à L’Alhambra, pour une semaine de bonheur cinématographique et exclusif.
« En 1968, la société française est en ébullition, mais à Cannes, le festival continue, avant d’être interrompu par une poignée de cinéastes en colère, dont François Truffaut et Jean-Luc Godard. A l’origine de ces évènements : l’éviction d’Henri Langlois de la direction de la Cinémathèque française. Non contents de clore avant l’heure le Festival officiel, les cinéastes obtiennent la réintégration de Langlois et fondent dans la foulée la société des réalisateurs de films (SRF), d’où naîtra la Quinzaine des Réalisateurs, sans compétition ni censure, car les films naissent libres et égaux entre eux. » Quarante ans après la publication du texte fondateur du défunt Pierre Kast, incroyable éclairage historique entre les enjeux du monde et le 7e art, force est de constater que le combat continue. Sonnée par la politique bing-bling de Sarkozy et un pouvoir d’achat en berne, la société française est, grèves et contestations à l’appui, toujours en ébullition, tandis qu’une poignée de cinéastes en colère (Chabrol, Audiard, Guédiguian, Ferran…), réunie sous la bannière du Club des 13, se mobilise contre la politique de désengagement de l’Etat envers la culture en général et le cinéma dit d’Art et d’Essai en particulier. Un « type » de cinéma aux antipodes des goûts de l’actuelle ministre de la Culture que continue de défendre, fort heureusement, quarante ans après sa création par les « insurgés de 68 », la Quinzaine des Réalisateurs, qui se distingue depuis toujours par sa programmation transversale, sa liberté d’esprit, son caractère non compétitif et son souci d’ouverture. Une ligne éditoriale forte que partage le cinéma L’Alhambra, salle emblématique des quartiers nord qui offrira, pour la quatrième année consécutive, à ses nombreux fidèles une sélection en avant-première, un mois après avoir été dévoilée à Cannes et quelques jours après avoir été présentée à Milan, Rome, Bruxelles et Paris, excusez du peu. Sur les 22 films sélectionnés par notre confrère des Inrockuptibles, Olivier Père, « seulement » treize seront projetés dans « le cinéma de tous les cinémas. » Mais ne boudons pas notre plaisir, puisque nous aurons droit au retour inspiré d’un grand ancien (Quatre nuits avec Anna de Jerzy Skolimowski), à la confirmation de talents originaux (Dernier Maquis de Rabah Ameur-Zaïmeche ou Eldorado du Belge Bouli Lanners), à la présence de visionnaires (Liverpool de Lisandro Alonso et Le Chant des oiseaux de l’Espagnol Albert Serra) ou à la révélation de réalisateurs prometteurs (Tony Manero de Pablo Larrain et Shultes de Bakur Bakuradze). Cette semaine de cinéma international sera également marquée par la projection très attendue de deux films français acclamés à Cannes : la dernière escapade montagnarde drolatique des frères Larrieux, Le voyage aux Pyrénées, en compagnie du couple improbable Darroussin/Azema et le bouleversant Les bureaux de Dieu, porté par casting féminin merveilleux (Nathalie Baye, Isabelle Carré, Nicole Garcia, Rachida Brakni et Béatrice Dalle) immergé dans les locaux d’un planning familial. Soit l’alternative idéale pour les anti-footeux et autres allergiques aux blockbusters.
HS
La Quinzaine des Réalisateurs à L’Alhambra, du 18 au 24/06. Rens. 04 91 03 84 66