La Relève à la Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine et la Galerie HO
La jeunesse en questions
Elles et il sont jeunes, elles et il sont parfois tout juste sortis d’écoles d’art, elles et il ont été choisis après un appel à projet par un jury pour incarner La Relève, une nouvelle génération d’artistes : Jenny Abouav, Gillian Brett, Amandine Capion, Anouk Moyaux, Stéphanie Brossard, Sophie Biet et Kent Robinson se révèlent dans deux expositions parallèles.
C’est dans le cadre du festival Parallèle, plateforme pour la jeune création internationale, qu’une exposition se déroule, en parallèle, dans deux espaces qui eux aussi, font beaucoup pour la jeune création à Marseille : Art-cade, la Grande Galerie des Bains Douches de la Plaine et la Galerie HO. Ces jeunes artistes sont passé.e.s par les Beaux-Arts d’Aix, de Nice, Clermont, Monaco, Avignon ou Strasbourg, mais certains ont fait des détours via Londres, Leipzig, Montréal…
Un titre à la fois ambitieux et un peu inquiétant les rassemble dans ces deux lieux : La Relève. On se demande tout de suite : prendre la relève ? De quoi ? À qui succèdent-ils ? À d’autres artistes qui auraient fini leurs tours de garde et qui leur feraient place nette ? Ou, simplement, ces derniers leur auraient-ils passé le flambeau pour s’interroger sur le monde tel que nous le vivons ?
Le petit texte de l’exposition présente trois notions comme clefs dans le travail de ces jeunes artistes : abstraction, subversion et disparition. Tentons de comprendre avec les œuvres pourquoi ces thèmes qui ne font pas vraiment figure de nouveauté dans la création contemporaine ont été choisis pour désigner ceux qui prennent la relève et révèlent ces questions qui résistent et subsistent…
Forces d’attraction / Formes d’abstraction
Quelle est cette attirance que nous avons pour les écrans, cette attraction parfois magnétique qui fait qu’on ne peut décoller le regard de nos ordinateurs ou de nos smartphones ? Comme toute attraction, celle de la technologie s’avère vertigineuse. Est-ce que cet abîme évoque l’attraction de l’abstraction d’un ciel que l’on regarde et qui semble complètement infini, que l’on ne pourra jamais connaitre en entier, ou bien une constellation d’images qui auraient disparu de ces écrans, de ces simulacres ? Comment cette force nous aimante-t-elle presque à la matière, à son chaos originel, à ses devenirs ? Ce magnétisme est-il le reflet de l’attraction / répulsion d’une force qui s’attire et se rejette à la fois, comme la dramatique histoire d’un baiser promis entre deux pierres qui ne cessent de se rapprocher puis de prendre des distances ? Deux planètes trop éloignées l’une de l’autre pour ne jamais pouvoir se toucher, et que le système solaire rapprocherait de temps en temps ? (Gillian Brett, Stéphanie Brossard, Sophie Blet).
Subvertir la disparition ?
Pourquoi faudrait-il rendre nos villes et nos places plus productives encore, pourquoi faudrait-il les peupler de terrasses de cafés, pour les touristes et les passants, pour les bateaux et les avions ? Ces questions trottent dans la tête d’une jeunesse qui refuserait catégoriquement de rentrer dans un système prédominant, et qui parfois se laisse aller justement à l’encontre de ces modèles que tout le monde veut suivre. Parfois, ça devient plus violent, on jette des pavés. Ces pavés de la Plaine mis sous vitrine sont des témoins archéologiques d’un présent en ruine, d’une place en guerre, d’une ville en mouvement, vouée à évoluer, se transformer, et peut-être partiellement à disparaitre. Faut-il faire une archéologie contemporaine de nos destructions ? Un relevé méthodique des empreintes que l’on laisse, en prévention d’un avenir qui pourrait finir en poussière, dissolu. Dans quelle langue faudrait-il formuler nos prières pour exprimer nos désirs et nos croyances universelles dans monde où tout semble à la fois concret mais impalpable ? Comme ces phrases moulées dans un plâtre sans liant, qui risque à chaque instant de partir en fumée, qu’on le piétine, comme les pavés de la Plaine. Attention toutefois de ne pas piétiner ces araignées — qui rappellent des cigales ayant chanté toute l’expo — qui chantent au gré de la lumière, de l’humidité, des modifications de températures. Au spectateur de se mouvoir, et de s’offrir une symphonie spatiale des petites choses, une composition sonore qui réagit à ses déplacements. Des mouvements qui parfois disparaissent et se fondent avec lenteur dans la forme et la matière d’un tissu ou d’une pierre (Anouk Moyaux, Amandine Capion, Kent Robinson et Jenny Abouav).
La Relève révèle des questions qui continuent de la traverser, de la hanter, et qui par des propositions plastiques, conceptuelles, formelles, vous invite aussi à vous les poser.
Mathilde Ayoub
La Relève : jusqu’au 6/02 à la Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine (35 Rue de la Bibliothèque, 1er) et la Galerie HO (25 Rue Fontange, 6e).
Rens. : www.plateformeparallele.com/festival-parallele/program/la-releve