La Relève IV : à Coco Velten et Buropolis
Arts nouveaux
Comme le thème « veiller » et sa polysémie permettent d’emprunter divers et intéressants chemins, La Relève IV du Festival Parallèle archipélise encore un peu plus ses expositions en investissant cette année non plus quatre, mais cinq lieux d’art marseillais. Autant d’îlots de sens qui en regorgent d’autres : les œuvres ! Une œuvre (ou plus) par artiste, pour trente-huit artistes. Alors, commençons nous aussi notre veillée en se focalisant sur les expositions à Coco Velten (en partenariat avec La Compagnie) et à Buropolis, jusqu’à la suite, au prochain numéro.
L’enjeu de La Relève, comme son nom l’indique, est de présenter des artistes diplomé.e.s fraîchement (pour ne pas dire de la veille), c’est-à-dire des trois dernières années. Il s’agit aussi d’une autre relève, celle de nos actualités, qui travaillent les artistes et que les artistes travaillent : pétries de préoccupations ultra-contemporaines, les œuvres présentées se font parfois veilleuses, parfois veillantes, semi-sommeil ou demi-éveil, veillées rituelles, mortuaires, veillées forcées, infinies, fugaces, transitoires ou précaires, ombre et lumière, parfois dispositifs de surveillance, d’attente, de soin, ou encore de recherche…
Dans l’immense Buropolis, bastion temporaire de Yes We Camp!, envoyons-nous jusqu’au neuvième étage pour profiter de sept œuvres riches, dont celle, entre autres remarquables, élaborée par le Collectif Grapain. Une forme abstraite, organique et épurée, qui renvoie aussi bien à une esthétique technologique 2022, voire du futur, qu’à quelque chose de plus ancien, de momifié. En y jetant un furtif coup d’œil, les contours et les pleins horizontalement allongés pourraient faire allusion à l’Hermaphrodite Borghèse… mais en s’approchant, vous savez, vous voyez les ficelles — qui sont en fait des câbles —, témoins que l’ère de l’informatique et du web laisse des vestiges, et qu’elle est déjà dépassée et remplacée par celle des connexions de plus en plus impalpables et invisibles.
Autre exemple, le travail de Luisa Ardila. Sa peinture laisse elle aussi transparaître une inquiétude née des impacts de plus en plus importants que le monde subit, ainsi qu’aux contraintes que nos modes de vie imposent. Panthera Leo Leo rend hommage et offre à rebours un bouclier de protection à l’une des espèces du lion, espèce aujourd’hui disparue à l’état sauvage.
À Coco Velten, autre repaire de Yes We Camp !, en partenariat avec La Compagnie, lieu de création et galerie autogérée qui a habituellement ses quartiers à Belsunce, l’exposition a été pensée en deux temps : c’est le jour et la nuit. En vernissant d’abord par la nuit, nous sommes entrés dans un espace en sous-sol, tout en verticalité, dans les anciennes archives qui ont aussi été champignonnières.
En s’assurant de notre sécurité, pour distinguer les marches métalliques par en dessous, luisent doucement des amalgames aussi fascinants que des lucioles. Nettement moins perceptibles de jour et sans doute moins appréciables que de nuit, les Rocoquillages de Claire Bouffay attirent et nous voilà maintenant comme des insectes, à s’approcher au plus près de leur phosphorescence précieuse pour profiter de leur halo merveilleux.
Juste au-dessus, Cité d’orphelins : c’est un tout autre type de veille que Vehanush Topchyan projette. Elle propose de calmer notre regard et son attrait instinctif pour le mouvement ; elle incite à ralentir, à patienter intérieurement, attentivement ; tandis qu’en face, avec un dispositif similaire mais à l’effet inverse, Crippling Social Anxiety d’Elsa Muller, promet une sensation d’impatience captive, énervante.
D’autres médiums se présentent, comme sur le toit-terrasse où le drapeau d’Antoine Berger et Charles Pierrès-Sournia, Watch for my signals, nous ferait presque regretter de ne pas voir le mistral souffler, et hisser haut leur étendard hospitalier.
Et peut-être avez-vous pu, au gré d’une promenade dans les rues de Marseille, vous questionner devant une projection vidéo sur camion ? Réponse « le jour », c’est-à-dire le 9 février : rendez-vous au crépuscule, pour le vernissage de la seconde partie de l’expo, Veiller, de jour.
Margot Dewavrin
La Relève IV :
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jusqu’au 19/02 à Coco Velten (16 rue Bernard du Bois, 1er).
Rens. : facebook.com/cocovelten/ -
jusqu’au 26/02 à Buropolis (343 boulevard Romain Rolland, 9e).
Rens. : https://yeswecamp.org/buropolis/
Pour en (sa)voir plus : https://www.plateformeparallele.com