Incontestablement, la rentrée cinématographique s’engage dans une période de grande transition. Tant en macro qu’en micro-vision. Tant sur un plan international que local. De nombreuses questions se sont ouvertes cette année, qui demanderont à l’art cinématographique et audiovisuel de développer toute une capacité de renouvellement et d’adaptation.
Et la nave va
Incontestablement, la rentrée cinématographique s’engage dans une période de grande transition. Tant en macro qu’en micro-vision. Tant sur un plan international que local. De nombreuses questions se sont ouvertes cette année, qui demanderont à l’art cinématographique et audiovisuel de développer toute une capacité de renouvellement et d’adaptation.
Certes, la fréquentation en salles a récupéré le retard d’une année 2005 particulièrement sombre. Mais sur un plan créatif, le constat est moins encourageant. La production hollywoodienne s’enlise dans une triste logique à court terme de sequel, ne semblant plus capable, sauf exception rare, de la moindre originalité scénaristique. Quant à la production nationale, elle souffre de manière croissante de l’exigence télévisuelle dans le processus de production. Ni la fiction, ni le documentaire ne sont épargnés. Les récents festivals (FID, Lussas, Transdocumentales) ont laissé l’impression que la création documentaire commençait à connaître une nouvelle crise due, pour utiliser un raccourci, à l’explosion du genre. Le trop étant l’ennemi du bien, il deviendra vite urgent de réinventer avec force intelligence le langage documentaire pour éviter que celui-ci ne se dilue dans la simple fonction de reportage étoffé ou de carnet intime. Sur un plan local, le constat de diffusion reste mitigé. Le terreau quotidien (salles, structures de diffusion) ne déclenche pas toujours l’euphorie. Fort heureusement, de nombreux événements (festivals, projections alternatives) viennent rehausser le niveau, même si l’on déplore que certains d’entre eux se soient installés dans une logique charentaise (subventions, partenariats, nouvelle édition, à l’année prochaine). Ajoutons à cela la révolution des supports (le fantasme numérique en salles, la dématérialisation de la consommation culturelle), et voilà donc une rentrée qui charrie bien son lot d’interrogations. Pourtant, la situation politique, sociale, environnementale, intellectuelle, artistique, nationale et internationale, ne peut qu’inciter les acteurs de la culture à développer un engagement rageur, combatif et passionné. Petit tour d’horizon non exhaustif des rendez-vous de la rentrée : les sorties salles charrient derechef — c’est une forte tendance depuis deux ans — son lot de premiers films ou de jeunes réalisateurs à découvrir. D’autre part, d’ici à la fin de l’année, nous retrouverons sur nos écrans les rendez-vous cannois, dont l’édition 2006 fut particulièrement décevante (Indigènes, Babel…), ainsi que les bonnes surprises d’un festival vénitien de haut vol (Cœurs, le nouveau Resnais,…), sans oublier les mastodontes hollywoodiens (De Palma avec Le dahlia noir, Allen avec Scoop, Frears avec The Queen, Scorsese avec The Departed). Le documentaire reste à l’honneur en salle : on découvrira avec curiosité le film d’Al Gore concernant l’environnement, ou celui de Del Debbio sur le soulèvement des banlieues fin 2005. Concernant les festivals locaux, Gardanne promet fin octobre une affiche bigarrée : une sélection, entre autres, d’avant-premières très prometteuses — les nouveaux films de De Ponfilly (réalisateur du superbe Massoud l’afghan), de l’excellent turque Nuri Bilge Ceylan, du grand réalisateur iranien Jafar Panahi (à qui l’on doit Sang et Or…), ainsi qu’un hommage au cinéma roumain et une quasi-intégrale du grand Kaurismaki. (Ah !.. Tiens ton foulard Tatiana !..). Nous nous intéresserons également au festival Huit et Demi, qui déclinera sur huit jours, huit films, huit femmes de Méditerranée. Investissant Les Variétés, Le Prado et la Foire de Marseille, cet évènement offrira un voyage original au sein des pays bordant la Grande Bleue, avec quelques rendez-vous attendus, comme la présence de Jocelyne Saab pour la projection de son film Dunia. Aflam, de leur côté, continue son formidable défrichage des cinémas arabes, en proposant mi-octobre une découverte de(s) cinéma(s) de Syrie. Au vu de l’excellent travail de cette association, ce rendez-vous se révèle indispensable. Par ailleurs, nous ne saurons trop vous conseiller de continuer à suivre de près la programmation de l’excellente salle de l’Alhambra, qui mise sur une année des plus actives. Un peu plus excentrée, la quatrième édition des Cinémas d’Afrique d’Apt offrira un sympathique, quoique survolé, panorama de la production du Continent. Le cinéma espagnol restera également à l’honneur avec la cinquième édition du festival Horizontes. Les projections plus alternatives continueront à fleurir éparses, avec, entre autres, les rendez-vous de la Nuit du Film Militant à Aubagne, qui semble incontournable en cette époque électorale, les projections au Dakiling qui reprennent dès octobre tous les mardis soir, ou la toujours exigeante programmation du Polygone Etoilé. Autant de rendez-vous qui offrent un impressionnant éventail en matière de création cinématographique et audiovisuelle (même si le cinéma expérimental y fait cruellement défaut), et qui, espérons-le, sauront aiguiser plus encore notre conscience d’un monde et d’une époque troubles mais exaltants.
Sellan