La révélation (Allemagne/Pays Bas – 1h50) de Hans-Christian Schmid avec Kerry Fox, Anamaria Marinca…
Une certaine idée de la justice
Auréolé de nombreux prix européens, La Révélation traite avec justesse du fonctionnement imparfait de la justice internationale. Ce thriller politico-juridique raconte les difficultés rencontrées pour faire témoigner une victime de crimes de guerre, commis par Goran Duric, ex-général et candidat aux élections présidentielles serbes. Le spectateur suit avec empathie le procureur adjoint de la Cour pénale internationale de La Haye, Hannah Maynard, dans son périple pour recueillir les preuves nécessaires, obtenir des compromis avec la défense, et résister aux diverses pressions qu’elle subit. La force du film tient d’abord à son réalisme, nourri d’une actualité brûlante : le procès de Radovan Karadžic, accusé d’être responsable des massacres de Srebrenica en ex-Yougoslavie, et la candidature de la Serbie, le 22 décembre 2009, pour l’adhésion à l’Union européenne. Tous les ressorts liés à l’organisation d’un tel procès sont méticuleusement déroulés à l’écran, entre reconstitutions de scènes, protection des témoins, et jugement proprement dit. On y retrouve aussi certaines critiques adressées à la véritable Cour pénale internationale, opérationnelle depuis 2002 : la longueur des procès, le manque de coopération judiciaire internationale ou encore l’éloignement géographique des victimes par rapport au siège néerlandais de l’institution. Par ailleurs, un clin d’œil du réalisateur, certainement volontaire, permet au spectateur avisé de tirer une réflexion philosophique plus globale sur la frontière floue entre les deux acceptions générales de la justice : son sens moral (la légitimité) et son sens juridique (la légalité). L’association du prénom du procureur adjoint et du nom de l’autre protagoniste principale du film conduit à Hannah Arendt. Ce célèbre penseur du 20e siècle s’est notamment fait connaître par ses travaux sur le totalitarisme et par son essai sur les ressorts du mal ayant conduit aux camps de concentration. Mais le film est aussi porté par un formidable jeu d’acteurs et par la musique sourde et oppressante de The Notwist. Le verdict est donc sans appel : La Révélation est coupable d’avoir réveillé l’esprit critique qui sommeille en nous.
Guillaume Arias