La Série sur le gâteau : Lie to me
Lie to me
Bien cachée parmi le feu d’artifice mid-season de la télé US — où il n’était question que des retours époustouflants de 24 et Lost ou de Dollhouse, la nouvelle série (décevante) de Joss Whedon —, Lie to me est le show de la Fox dont tout le monde parle aujourd’hui, déjà promis au couronnement lors des prochains Emmy grâce à l’immense Tim Roth, brillant dans le rôle d’un consultant du FBI qui n’aime rien tant que prêcher le faux pour savoir le vrai. Expert comportemental, docteur ès mensonges, spécialiste de la communication non verbale, Carl Lightman (comme son nom l’indique, « l’homme qui fait la lumière ») est tout ça à la fois, mais surtout un véritable détecteur de mensonges humain. Aussi intraitable dans sa vie privée, avec son adolescente de fille ou son ex-femme, que dans sa vie professionnelle, via des interrogatoires pour le moins originaux, Lightman traque la vérité à chaque instant de la journée, c’est son dada, comme le tiercé était celui de Guy Lux. Dans la lignée des nouveaux limiers cérébraux d’Hollywood, intuitifs, barrés et manipulateurs — tels Brenda Johnson (The closer) et Patrick Jane (The mentalist) —, et marchant sur les plates-bandes cyniques, ironiques et misanthropiques de Gregory House, Lightman est moins un enquêteur lambda qu’un brillant cerveau en marche. Capable de dénicher le mythomane qui sommeille en chacun de nous, l’anti-héros de Lie to me fait éclater la vérité à la seule force de son cerveau, sans aucun arsenal high-tech ou interrogatoire musclé, pied de nez définitif à tous Les experts de l’oncle Sam. Aussi, comme le martèle le leitmotiv de la série, « la vérité se lit sur les visages », chaque confrontation avec un suspect se transforme en « moment de vérité » assez jouissif où l’on assiste à une entreprise de démolition en direct du suspect. Suspect qui, désarçonné par l’aplomb injonctif de Lightman, déploie à son corps défendant un véritable arsenal de tics corporels — oreille ou nez qui grattent, clignement d’yeux, haussement de sourcils, moues révélatrices — creusant irréversiblement sa tombe. Cerise sur le gâteau, en illustrant chaque démonstration mensongère de son show par un insert expressif à l’effigie des plus grands menteurs politiques de l’histoire américaine — de Richard Nixon à Sarah Palin, de George W. Bush à Charlton Heston —, Lie to me ne nous donne pas seulement à voir un musée des horreurs US, mais permet aussi de mesurer les erreurs du passé en forme de mensonges d’Etat. Pas de quoi en faire une affaire (d’Etat), juste une très grande série.
Henri Seard