La vie en Rossi

En trois spectacles, le chorégraphe et danseur Giorgio Rossi a séduit le public de Dansem par ses étincelles légères et poétiques qui ont mis le feu aux planches… (lire la suite)

En trois spectacles, le chorégraphe et danseur Giorgio Rossi a séduit le public de Dansem par ses étincelles légères et poétiques qui ont mis le feu aux planches.

Giorgio^[1] est un grand homme, mince et sans âge, au visage fin et aux gestes amples. Un clown, un danseur, un comédien, un chorégraphe ? Difficile à dire… Le mieux reste encore de demander à l’intéressé : « Quand on me demande quel genre de danse je fais, la réponse est toujours longue et se termine toujours avec l’invitation à venir voir, sentir, percevoir l’événement dans son déroulement, parce qu’il est plus près de l’expérience d’une promenade dans l’acte d’aimer que de la compréhension d’un concept abstrait lié à un raisonnement théorique. Le théâtre poétique du mouvement est une définition qui peut s’approcher de ce que je tente de faire sur scène. » Ainsi, Giorgio fait du théâtre poétique du mouvement. Ques aco ? Prise de tête ? Détrompez-vous ! On rie, on a la chair de poule et l’on reste admiratif devant cet homme qui croit toujours en la finesse et l’intelligence du spectateur.
Dans Alma (L’âme), solo né d’une poésie de Pablo Neruda, l’artiste se dévoile, touche à des sentiments forts comme l’amour et la mort. Devant nous évolue un homme heureux mais conscient des règles du jeu, du sens de la vie et de notre inexorable condition. Un homme qui manie l’ironie comme un clown sage.
Il y a moins de sagesse dans La Favola esplosa, où Giorgio tire les ficelles en coulisses d’un spectacle-conte de fées pour petits et grands. Trouvailles toutes simples de transformistes géniaux, une maigre au chapeau en boucle de chèvre et un grand patapouf se meuvent sur scène entre théâtre et danse. « J’ai voulu jouer dans l’univers du conte. Comme des perles, des lambeaux de contes sont enfilés dans le lieu de la mémoire, en les laissant éclater, se mélanger de manière surréelle, toucher le noyau du conte sans l’expliquer, en le révélant toutefois dans son essence profonde », confie le metteur en scène.
Pour son dernier spectacle à Dansem, Giorgio a choisi de s’associer à une jeune chanteuse pour une improvisation. Emilie Lesbros pratique une large exploration de la voix sur scène et Giorgio danse, parle et joue. On assiste à des moments parfois très forts, en symbiose, même si la voix s’avère parfois lassante et répétitive. Dommage, car les mouvements de l’homme enchantent. Sans doute cet opus souffrait-il aussi de la comparaison avec le spectacle qui le précédait. Egalement venue d’Italie, la compagnie du Teatro Sunil présentait Percossi Obbligati. Une histoire de couple menée avec brio par un percussionniste et une danseuse qui utilisent leur corps et leur voix de manière époustouflante. Et pourtant, très peu d’accessoires, presque pas d’effets. Tout simplement le corps, exploité avec intelligence et originalité. On reste bluffé par ces deux artistes surdoués, qui dédient leur spectacle à tous les couples en crise, à tous les couples qui s’aiment… Un sujet interminable et réjouissant !
En misant une fois de plus sur des Italiens, Dansem réussit à se renouveler dans la qualité tout en prenant des risques. Reste encore deux semaines de spectacles pour le confirmer.

Eva D