La Vie secrète des collections à la Belle de Mai au Centre de Conservation et de Ressources du Mucem
Mille et un gestes
Le Centre de Conservation et de Ressources du Mucem fête ses dix ans avec l’exposition La Vie secrète des collections à la Belle de Mai. Une occasion formidable de mieux comprendre comment s’articule et se conçoit l’immense collection du musée des civilisations.
Constituées d’un million d’objets et documents, les collections du Mucem sont conservées et accessibles au sein du CCR, conçu par l’architecte Corinne Vezzoni dans le quartier de la Belle de Mai. Comment inventorier, documenter, conditionner, conserver, restaurer ? Puis comment transmettre et témoigner ? Chaque membre de l’équipe du CCR a choisi un objet qui nous permet de traverser les différents métiers du musée : la data, les archives, les installations, les donateurs. L’exposition s’attache à la question des savoir-faire. Le CCR est composé de dix-sept réserves réparties par matériaux et typologies : le bois, les textiles, le cuir, les arts du feu, les arts forains, les poupées / marionnettes…
Définir un musée de société, c’est se poser la question, parmi tant d’autres, de comment les gens boivent, dansent et font la fête. C’est aussi s’interroger sur comment on fait une acquisition, puisque les collections sont inaliénables et imprescriptibles. Qu’est-ce qui distingue un musée des beaux-arts d’un musée des civilisations ? Certainement la finalité et la fonction des objets. Là où un tableau interroge la lumière, un courant de pensées, et ne possède aucune fonction puisqu’il invite à la contemplation, un objet de civilisation nous raconte l’histoire d’une mécanisation, d’un geste, de son utilité et de son évolution dans le temps.
Se promener au milieu de l’immense réserve des arts forains est une expérience joyeuse et intense. On se laisse prendre par le jeu des couleurs, par l’inventaire des petits chevaux, des autos tamponneuses, d’un géant en mousse verte. Tout ce qui constitue l’imagerie d’une fête foraine, mais pas seulement, car un manège de petits chevaux ne tourne pas dans le même sens en France, en Angleterre et aux Etats-Unis. Il y a donc bien un inventaire des fonctions et des spécificités à travers le monde.
Ce qui peut nous apparaitre kitsch au premier regard, parce que démodé et suranné, nous raconte d’où nous venons et où nous allons ; ce que nous adulons, puis délaissons pour mieux se le réapproprier trente ou quarante ans plus tard (la mode). Il y a aussi la question de l’ethnographie et de comprendre ce qui nous différencie d’un village à un autre, d’une région, d’un continent à l’autre. Au même titre qu’une langue étrangère, l’objet venu d’ailleurs, l’objet venu de temps anciens nous reconnecte à l’histoire des peuples et pourquoi nous vivons ici et maintenant. Nous sommes libres de vivre dans le cocon de notre quotidien, celui que nous construisons patiemment dans l’intimité d’une famille, comme un monde indépendant qui nous protège de l’extérieur, mais ce que nous sommes et ce que nous consommons ne vient pas de nulle part et dans chacun de nos gestes, il existe un passé.
Karim Grandi-Baupain
La Vie secrète des collections à la Belle de Mai : jusqu’au 8/03/2024 au Centre de Conservation et de Ressources du Mucem (1 rue Clovis Hugues, 3e).
Rens. : www.mucem.org