Le théâtre Toursky à Saint-Mauront. (Photo - Google maps)

La Ville de Marseille suspend sa subvention au Toursky en raison du lourd déficit du théâtre

Après des mois de turbulences financières et le décès de son charismatique cofondateur, Richard Martin, le Théâtre Toursky n’a pas vu sa subvention municipale votée vendredi dernier. Et ce en raison d’un « avis défavorable » émis par les services de la Ville de Marseille.

 

 

Elle devait être versée en décembre, puis avait été repoussée en février, avant d’être espérée pour ce mois d’avril. Mais finalement, non. La moitié de la subvention de 950 000 euros que la Ville de Marseille verse au Théâtre Toursky depuis deux ans — contre 1 030 000 euros précédemment — ne figurait pas à l’ordre du jour du conseil municipal du vendredi 19 avril dernier. Elle n’a donc pas été soumise au vote ce jour-là.

« Les services ont émis un avis défavorable. Il n’est pas possible pour une collectivité d’attribuer une subvention qui servirait à combler un déficit », précise une source interne à la Ville pour expliquer ce non-versement. En cause, un trou d’environ 300 000 euros qui viendrait grever le budget du théâtre — dont les murs appartiennent à la Ville — cofondé par le comédien Richard Martin, décédé le 16 octobre 2023. À la mairie, sur ce dossier, on avance que la règle est : « prudence de chez prudence. »

 

« Ce lieu doit être sécurisé financièrement »

« On ne fait pas n’importe quoi avec l’argent public, surtout dans le cadre d’une politique culturelle telle que nous l’avons définie. Moi, je veux clarifier la situation sur cette question », cadre Jean-Marc Coppola, adjoint (PCF) à la culture du maire de Marseille, qui reste sur la même ligne que l’an dernier lors de la dernière grève de la faim de Richard Martin. Le cofondateur du théâtre réclamait alors le versement des 80 000 euros que la Ville avait rognés de la subvention pour l’équipement culturel sur l’exercice 2023. Une autre source municipale précise que « ce lieu est amené à rayonner et à vivre de manière plus forte à l’avenir, mais qu’il doit d’abord être sécurisé financièrement et remis dans les clous en termes de sécurité. »

Comme le souligne une décision de la cour administrative d’appel de Marseille du 10 mars 2011, un soutien financier engagé par une commune à l’égard d’une association dont l’activité est gravement déficitaire peut être considéré comme abusif et engager la responsabilité de la collectivité en ce qu’il servirait à masquer un état de cessation de paiement.

De son côté, Françoise Delvalée, la veuve de Richard Martin — qui demande à être dorénavant appelée Françoise Martin-Delvalée —  et désormais directrice du théâtre, ne cache pas avoir été « surprise » par l’absence de vote des subsides municipaux, au conseil municipal. « Nous sommes en train de nous renseigner pour avoir confirmation officielle et en connaître les raisons, synthétise celle qui était auparavant l’administratrice des lieux. En février, on nous avait dit que le dossier passerait en avril. Nous avons un courrier du cabinet du maire en ce sens. Nous avons attendu en serrant les dents. Cela met le théâtre en difficulté au niveau de sa trésorerie. »

 

Déficit cumulé de plus de 200 000 euros

Pour autant, la nouvelle dirigeante du Toursky se dit sereine et assure travailler de manière « apaisée » avec la municipalité après des mois de relations tendues. Il ne s’agit à ses yeux que d’un retard : « La Ville n’a pas eu le temps de boucler le dossier » en vue du conseil municipal.

Quant aux 300 000 euros de trou, Françoise Martin-Delvalée les évacue, dans un premier temps, d’un « Non, pas du tout » ferme, avant de convenir d’un « déficit cumulé de plus de 200 000 euros. » En cause, indique la directrice de l’établissement culturel, « le non-versement par la Ville de Marseille de sa subvention de 80 000 euros » en 2023. « La Ville n’est pas habilitée à combler un déficit, mais c’est elle qui l’a généré, affirme-t-elle avant d’ajouter : Le conseil départemental et la région ont voté des subventions de respectivement 195 000 euros et 200 000 euros, en connaissance des problèmes que nous traversons. Mais ils nous soutiennent. »

 

« Pas de problème de gestion »

Françoise Martin-Delvalée réfute tout « problème de gestion ». Comme elle dément toute difficulté dans la gouvernance de l’équipement culturel. Après le décès de l’ancien directeur, un changement de conseil d’administration (CA) a été opéré à la tête de la structure. Dans la douleur, disent plusieurs anciens membres. Ils dénoncent un « putsch » qui a vu la nomination de la veuve de Richard Martin à la tête du théâtre.

« Au contraire, des anomalies ont été constatées par des avocats qui ont épluché les statuts. Ils ont vu que plusieurs membres de l’ancien CA — dont l’ex-président — n’avaient pas été élus légalement. Ce n’est pas moi, la directrice, qui le dit, mais des avocats. Nous avons donc renouvelé le CA », détaille la directrice qui pointe, elle aussi, « complots » et « tentatives de prise de pouvoir » de la part des anciens administrateurs. Ces tensions ont donné lieu à des procédures judiciaires toujours en cours.

« Il n’y a pas de problème de gestion au Toursky ! Il faut saluer sa résistance et son courage. Nous restons debout quand tant d’autres théâtres sont à genoux », défend encore Françoise Martin-Delvalée, qui sait se montrer aussi lyrique que le charismatique homme de théâtre qui a géré les lieux cinquante-deux ans durant. La nouvelle directrice ne voit pas l’avenir du théâtre s’assombrir, au contraire. Elle promet de « jolis moments » dans un futur proche. « Moi, j’ai un deuil impossible à faire. Mais il faut poursuivre l’œuvre de Richard Martin », conclut la veuve. Subvention municipale ou non, elle s’annonce déjà à pied d’œuvre pour fignoler la programmation de la saison prochaine. Le programme, dit-elle, part à l’imprimerie dans quelques jours.

 

Coralie Bonnefoy