Langages du Cinéma à la Cinémathèque Prosper Gnidzaz
Cent paroles
Du côté de Martigues, la Cinémathèque Gnidzaz, aux activités passionnantes mais encore trop peu connue d’un vaste public, propose un tour d’horizon des langages du cinéma, à travers la programmation de quatre documentaires de haut vol.
Quelques semaines après Cannes perdure l’écho d’une des projections les plus vibrantes du Festival. Un film venait nous parler, avec cette rage intacte, non pas de l’état du monde, mais de notre état au monde. Adieu au langage de Jean-Luc Godard secouait la satisfaction replète de films devenus si malins qu’ils nous éloignent chaque jour un peu plus du cinéma. Loin de la forme crépusculaire qu’on lui a stupidement attribuée, l’œuvre de JLG vient nous rappeler les perversions qui habitent aujourd’hui le langage, le paradigme préalable à la naissance d’un métalangage, et au-delà, tout ce qui n’est plus langage mais communication, que Debord dénonçait en son temps. A cela se mêlent le langage du cinéma, les théories de l’agencement, les ciné-phrases ou la ciné-langue de Vertov d’un côté, la maîtrise du Monde d’Eisenstein de l’autre. Divers pôles qui ont toujours partagé l’œuvre de Jean-Luc Godard. Mais alors, qu’est-ce que le langage ? Y a-t-il langage au cinéma ? Enfin, comment une image peut-elle encore offrir une représentation primale du monde ? Les premiers éléments de réponses sont à dénicher chez celles et ceux qui ont fait le cinéma — ou qui ont fait qu’il soit cinéma. La Cinémathèque Gnidzaz de Martigues, gérée par l’équipe du cinéma Le Renoir — à commencer par son aguerri directeur Henri Denicourt — nous propose une première grille de lecture à travers cinq films passionnants qui questionnent justement cette dialectique du métalangage cinématographique. Mais signalons de prime abord l’importance de cette cinémathèque captivante à quelques encablures de Marseille, à l’heure où les lieux de diffusion ont quelque peu oublié ce rôle de passeur qui leur incombe pourtant. Des lieux où le cinéma se questionne encore pour mieux se régénérer, prendre nouvelle forme.
L’un des dialecticiens du cinéma, André S. Labarthe, souvent cité dans ces colonnes, construisit, à travers plusieurs dizaines de films sur les cinéastes, une véritable cosmogonie du cinéma. Deux de ses opus, l’un sur Cronenberg, passionnant, l’autre sur Godard et son exposition chaotique à Pompidou en 2006, seront projetés lors du cycle. Abel Ferrara et Gérard Depardieu (un hasard après le mini scandale cannois ?) sont quant à eux les sujets des films respectivement signés Jean-Claude Guidicelli et Rafi Pitts, qui reviennent sur le parcours de personnages essentiels dans l’élaboration commune d’une langue propre à l’image animée.
Emmanuel Vigne