L’Apollonide – souvenirs de la maison close (France – 2h02) de Bertrand Bonello avec Hafsia Herzi, Céline Sallette…
Et la tendresse, bordel
Loin de l’univers masculin de ses derniers films (De la guerre, Le Pornographe…), le nouveau Bonello, lancinant et sensuel, nous entraîne à l’intérieur d’une maison close parisienne au début du siècle dernier. Une prison dorée pour une douzaine de très jeunes filles, à laquelle chacune rêve d’échapper un jour, sans aucun espoir de réussite.
Eloge de la lenteur, le film s’adapte au temps qui s’écoule différemment dans cet espace clos, bercé par des chansons françaises et du rhythm’n’blues sixties, pas franchement déplacé dans cet univers particulier.
On regarde les filles vivre, passant de leurs chambres au salon, se métamorphosant dans l’escalier qui les mène à leurs clients, joyeuses et souriantes femmes de compagnies qui ne peuvent trouver le sommeil tant qu’un homme est dans la place.
Mélangeant cinéma et théâtre dans sa prise de vue (« Le salon, c’est la scène des filles, l’étage, leurs coulisses »), Bonello montre le quotidien des prostituées, sans vulgarité et en évitant les clichés. A travers les rituels d’hygiène, les espoirs, les amitiés, la maladie et l’envie d’en sortir, il dresse une délicate galerie de portraits, sans alourdir les traits et sans manichéisme. Qu’il s’agisse des clients, de « la femme qui rit », dont l’histoire rythme lentement le film, entre songe et éveil, ou de la mère maquerelle, parfait mélange entre la maman et la putain, personne n’est tout noir ou tout blanc dans cette jolie chronique. Bonello livre ici un film d’époque langoureux, la poussière en moins, hypnotisant dès les premières secondes.
Aileen Orain