L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford - (USA - 2h39) d’Andrew Dominik avec Brad Pitt, Casey Affleck…

L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford – (USA – 2h39) d’Andrew Dominik avec Brad Pitt, Casey Affleck…

Etrange destin que celui du western, genre qui — au moins depuis Vera Cruz — semble voué à mettre en scène sa propre mort…

La chevauchée apathique

Etrange destin que celui du western, genre qui — au moins depuis Vera Cruz — semble voué à mettre en scène sa propre mort. Etrange projet que celui d’Andrew Dominik, décidé dès son second film à (re)tourner progressivement la certitude fordienne énoncée par James Stewart dans L’Homme qui tua Liberty Valance : « When the legend becomes fact, print the legend [1]. » Or, L’Assassinat de Jesse James est bel et bien un western moderne avec ses problématiques — filmer l’écriture du mythe plutôt que de le réécrire — et ses figures-clés. Il s’agit ici non d’imprimer la légende comme le souhaitait John Ford, mais d’en décortiquer lentement le texte jusqu’à en faire ressurgir le grotesque ou le lyrique. C’est d’ailleurs dans cette entreprise-là, dans l’inventaire précis des anecdotes héroïques ou l’étirement distancié des instants narratifs, qu’Andrew Dominik réussit le plus beau morceau de son film. L’attaque du train en ouverture ou la mort de Jesse James constituent ainsi deux saisissants moments de beauté sépulcrale. Il faut pourtant avouer que l’Assassinat de Jesse James n’est pas parfaitement réglé. On s’ennuie même ferme pendant une des deux heures trente que dure la projection. Sans doute parce que filmer les temps creux suppose au moins une certaine maîtrise de la durée et surtout une mélodie interne, un lumineux artefact de montage qui manque parfois à l’édifice ambitieux construit par le cinéaste néo-zélandais. Reste alors une image élégante, oscillant brillamment entre blanc et orge, ainsi qu’une distribution parfaite, proche du bréviaire « indé-hollywoodien » — Brad Pitt en fait juste assez, Sam Rockwell est juste génial, Casey Affleck est terrifiant de mystère juvénile. Et aussi la musique follement triste de Nick Cave… De quoi faire un beau film certes, mais pour le chef-d’œuvre, il faudra repasser.

Romain Carlioz

Notes

[1] « Quand la légende devient réelle, il faut l’imprimer. »