L’avocat de la Terreur – (France – 2h15) de Barbet Schroëder avec Jacques Vergès…
D’où vient ce sentiment diffus que le dernier film du pourtant passionnant Barbet Schroëder manque singulièrement sa cible ? Qu’à force d’être trop ambitieux, de vouloir embrasser un nombre infini de territoires…
Vices de procédure
D’où vient ce sentiment diffus que le dernier film du pourtant passionnant Barbet Schroëder manque singulièrement sa cible ? Qu’à force d’être trop ambitieux, de vouloir embrasser un nombre infini de territoires, il finit par se perdre dans la masse informe de son objet ? Peut-être est-ce cette rhétorique filmique travaillée jusqu’à l’indigestion, son caractère programmatique un brin contraignant. Le cinéaste affiche d’ailleurs dès le début sa position, sans jamais laisser planer le doute ou plonger dans le vertige des images. Excès de zèle, là encore (c’est son petit côté Henri Seard qui, rappelons-le, est à la critique ce que Ribéry est au football : juste un type « bankable »). Vergès est pourtant un sujet fascinant, a priori taillé pour l’extase sadique du cinéma de Schroëder (More, Maîtresse, La Vierge des Tueurs). Parce que l’avocat des causes les plus sombres épouse presque parfaitement l’histoire de la France depuis la Libération. L’analyse de sa clientèle (les indépendantistes algériens, les criminels nazis, les terroristes) dessine une cartographie idéologique du pays assez originale, systématiquement tiraillé entre deux camps. Voilà sans doute le troublant défaut de L’avocat de la Terreur. Schroëder n’a que trop bien compris cette capacité qu’a Vergès d’incarner jusque dans sa chair la mauvaise conscience française, ses penchants les plus refoulés (racisme, collaboration, colonialisme). Il cherche dès lors à en démonter un à un les petits rouages, tombant dans le piège que Vergès tisse depuis ses débuts. La trajectoire du film s’écarte alors de la figure de l’avocat pour esquisser un portrait paradoxal du terrorisme en France. Pourquoi ne pas avoir suivi la ligne dessinée par ces plans de la forêt cambodgienne qui ouvrent le film ? Pourquoi ne pas s’être laissé emporter jusqu’à l’ivresse par l’étrange carcasse de Maître Vergès ? Ultime équation non résolue d’un film qui cherche des indices là où il n’y a que des traces.
Romain Carlioz