Le Bourgeois Gentilhomme présenté au Théâtre du Gymnase du 12 au 21/03 2009
Bou(r)ge de là
On croyait pourtant connaître Molière. Plus de trois cents ans après la première représentation de l’une de ses pièces les plus jouées, on a encore le délice d’être surpris. Mis en scène par Philippe Car, ce Bourgeois étonnant et dépoussiéré équivaut à une explosion.
Attention, high voltage en perspective. Nourrie par le théâtre japonais bunraku, la mise en scène de Philippe Car décoiffe sérieusement. On suit, haletants, la déchéance d’un personnage prêt à tout pour s’élever au-dessus de sa condition. Texte lifté, éléments japonisants pour les marionnettes, les costumes, les instruments ainsi que la scène mobile en dohyo : la comédie s’emballe. Monsieur Jourdain, campé par un Philippe Car grimaçant et excité, entame un tête-à-tête vertigineux avec les marionnettes allégoriques. Le maître de philosophie est incarné par une bouche démesurée aux lèvres rouge vif, son tailleur est une marionnette-bobine de fil au corps constitué du costume-kimono de Monsieur Jourdain. L’idéal de ce dernier, Dorante, le « vrai » noble, est personnifié par un robot à la voix métallique et trafiquée. Madame Jourdain ? Une grande marionnette rebondie et colorée comme une poupée en celluloïd. La marquise dont il est amoureux ? Un mannequin longiligne sur roulettes, à la mécanique apparente au travers de son corps translucide. Hommage au « maître » Molière, la démesure dans l’humour est portée à son paroxysme ; le tempo est celui d’une comédie musicale et l’on en oublie que les marionnettes sont manipulées par un comédien. En feu d’artifice final, Monsieur Jourdain en slip serpent danse frénétiquement, seul, le regard halluciné, dopé au mensonge qu’il est le seul à ignorer. Son front est ceint d’une guirlande lumineuse fluorescente qu’il porte comme une couronne d’épines. Et l’évidence frappe : c’est bien d’un sacrifice dont il s’agit, celui de la dignité d’un homme crucifié sur le chemin de la prétention et du paraître. On s’incline devant le mérite d’avoir porté cette fable morale au thème éternel avec adrénaline. Furieusement moderne.
Texte : Bénédicte Jouve
Photo : Fabien Dubessay
Le Bourgeois Gentilhomme était présenté au Théâtre du Gymnase du 12 au 21/03.
Prochaine représentation : le 7/04 au Théâtre de la Colonne (Miramas)