Colloque national d’histoire de l’art « Le musée du Midi »
Les musées à l’heure du Midi
L’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Marseille organise le colloque national d’histoire de l’art « Le musée du Midi : richesse d’un territoire » pour cerner et promouvoir l’héritage artistique dont un grand quart sud-est de la France est dépositaire. Les institutions muséales régionales viendront y croiser le passé et le devenir de leurs collections.
L’inventaire patrimonial reflète l’expression des mémoires plurielles du territoire qu’il recouvre. En révélant les articulations internes de son répertoire et en intégrant une connaissance des attentes collectives dont il peut être le vecteur aujourd’hui, il témoigne de l’aspect dynamique de son contenu. Observatoire conviendrait mieux qu’inventaire car il ne s’agit pas, pour Jean-Noël Bret et Élisabeth Mognetti, directeurs scientifiques du colloque, d’effectuer un recensement exhaustif mais de créer, par effet de masse, une synergie profitable à toutes les pratiques patrimoniales dispersées et capable de les rendre davantage disponibles aux usages sociaux par une prise de conscience de leur exception qualitative et quantitative.
« Sait-on suffisamment, interroge Jean-Noël Bret, que sur un territoire dont les quatre points cardinaux seraient Montpellier, Lyon, Grenoble et Nice, on peut trouver le plus riche ensemble de sites et monuments antiques en Europe après ceux de Grèce ou d’Italie, la plus importante collection de primitifs italiens en France hors le Louvre, la plus importante collection de peintres hollandais en province après celle du musée de Douai ; des musées Picasso, Matisse, Fernand Léger, Chagall, Bonard ? »
En deux jours de colloque et dix communications, conservateurs et directeurs évoqueront les trésors de leurs galeries dans la perspective d’un grand « Musée du Midi (1)) » aux frontières mobiles, fertile carrefour où les artistes puisèrent des ressources d’inspiration et sur le territoire duquel échurent, après d’étonnantes pérégrinations parfois, de prestigieuses œuvres d’art ; tant il s’avère, depuis le rêve d’éternité inscrit dans le marbre antique jusqu’aux instantanés performatifs de l’art contemporain, que les Grâces ont redoublé de charme, d’abondance et de créativité dans la lumière du Midi.
Tous ces biens communs, s’ils participent à l’attractivité et donc à la croissance économique des régions concernées, ne peuvent se penser dans la logique de concurrence d’un « capitalisme cognitif », mais en termes de course commune à des richesses qui ne sont ni rivales ni exclusives et, comme un langage, doivent être partagées par le plus grand nombre pour rester vivantes et productives.
Les intentions du colloque sont pédagogiques car « l’idée patrimoniale suppose un acte de foi civique dans l’éducation, celle des artistes comme celle du public (2)). » Il s’agit ici de faire-savoir, porter à la connaissance et produire de la connaissance dans le même geste : situer les œuvres dans l’espace et le temps, aider à leur interprétation, préparer à leur délectation en favorisant une intelligence collective du patrimoine. Celui-ci a besoin de mots et d’images pour exister, être réinventé et mis en scène à chaque génération afin de constituer ce réservoir de liens, de symboles et de beauté susceptibles d’entretenir un monde habitable.
Les musées présentés au colloque poursuivent cette ambition. Qu’ils soient issus du legs d’un collectionneur fortuné, de saisies révolutionnaires ou du butin des guerres napoléoniennes, chacun de ces musées conserve l’empreinte de son origine, parfois le statut particulier, souvent un charme tissé par l’histoire de ses collections auxquelles s’attachent une influence et un rayonnement qui le rendent irremplaçable, surtout quand l’architecture du lieu d’accueil ajoute à sa singularité.
Mais c’est également, parsemés dans les municipalités et les départements, confiés aux secours mesurés de la gestion publique, des fresques, des retables, des fontaines sculptées, des vestiges, des clochers, des statues, des ouvrages remarquables anciens ou contemporains qui façonnent en profondeur les paysages humanisés que nous connaissons et servent de cadre à cet art de vivre méridional, que la langue des troubadours nommait convivença, dans lequel s’ancre la vitalité créative des populations.
Ces chefs-d’œuvre sont à notre portée : quelques heures de voiture tout au plus nous en séparent et l’entrée d’un musée coûte moins qu’un paquet de cigarettes. En revanche, savons-nous nous mettre à la leur, développer notre réceptivité, cultiver des facultés capables d’approfondir le bonheur de leur fréquentation ? En voici l’occasion.
Roland Yvanez
Colloque « Le Musée du Midi » : les 20 & 21/09 à la Bibliothèque l’Alcazar (58 Cours Belsunce, 1er).
Rens. : www.bmvr.marseille.fr / www.academie-sla-marseille.fr
Notes
- En forme de clin d’œil à l’exposition Le Grand Atelier du Midi (MP 2013[↩]
- Marc Fumaroli, Paris-New York et retour (éd. Fayard[↩]