Philippe Parreno est un artiste pop dans l’utilisation de sa personne, tantôt poseur avec des gants de boxe sur un flyer, tantôt serial killer ou héros d’une autofiction. Il est indéniablement l’un des artistes français qui a marqué les années 80. En 93 à la galerie Air de Paris en association avec Jousse Seguin… (lire la suite)
Philippe Parreno est un artiste pop dans l’utilisation de sa personne, tantôt poseur avec des gants de boxe sur un flyer, tantôt serial killer ou héros d’une autofiction. Il est indéniablement l’un des artistes français qui a marqué les années 80. En 93 à la galerie Air de Paris en association avec Jousse Seguin, Parreno a mis en scène un appartement transformé en fait divers : trois femmes exécutées, l’une égorgée, allongée sur une table, la respiration haletante ; l’autre flinguée dans le dos (les traces d’un fusil à pompe), la troisième suspendue à une balustrade. Trois femmes, dont l’une encore en vie, sur lesquelles avaient été posées des lentilles pour que les yeux ne clignent pas. Scène d’épouvante, performance époustouflante de réalisme, tant par le maquillage que la présence des corps que l’on pouvait toucher et regarder jusque dans le fond des yeux. Le voyeurisme, par la théâtralité du lieu et des indices, devenait jubilatoire. Mieux que le cinéma ? Plutôt un cinéma en 3D, où le spectateur est libre de ses déplacements et de son temps (un rapport pictural). Retrouver Philippe Parreno en association avec Douglas Gordon (artiste conceptuel exposé chez Yvon Lambert) sur cette expérience intitulée Zidane, un portrait du 21e siècle, c’est immanquablement une nouvelle tentative d’explorer le corps (celui du footballeur) dans un autre rapport. Dix-sept caméras selon le communiqué de presse : le nombre est-il un gage de qualité ? Un plan revient régulièrement : Zidane en plan américain, c’est-à-dire le cadre coupé au niveau des cuisses. Donc on verra les pieds plus tard et le ballon encore plus tard. Cette valeur récurrente du plan américain et du gros plan est un aveu de la tentative d’une mise en icône. Zidane peut-il avoir le charisme de Paul Newman ou de Steve Mac Queen dans une image cinémascope ? Il a de la gueule, c’est sûr, mais que nous propose-t-il, au-delà d’une transpiration abondante, du tic de taper les crampons de sa chaussure droite à chaque pas, au-delà de se moucher avec le pouce et de cracher ? Quelques onomatopées pour encourager ses partenaires ou taquiner l’arbitre, le bras tendu tel le jugement dernier de Michel-Ange. Il devine, il flaire, il traque. L’éclair d’une action, les applaudissements de la foule, la reconstitution d’un théâtre à 380 degrés (Santiago Bernabeu). Le foot est-il une scène ? Zidane est-il un cast ? Il est clair que les quatre-vingt-dix minutes de cette expérience nous pèsent parce que Zidane est avant tout un grand joueur et là, le jeu, la continuité de l’action, le suspense d’une remontée au score sont absents. Des sous-titres nous disent le fond de sa pensée : beaucoup de banalités, de rêves d’enfant et le tout devient une carte de visite sophistiquée, comme un générique trop long, une publicité sans rien à vendre, un concept sans intégrité, ou un film de Warhol décidément trop court.
Karim Grandi-Baupain