Le génie du micro

Le génie du micro

Pour sa neuvième édition à Aubagne, le festival Hip-Hop Action a eu la très bonne idée d’inviter l’inégalable KRS-ONE. Incontournable ! (lire la suite)

Pour sa neuvième édition à Aubagne, le festival Hip-Hop Action a eu la très bonne idée d’inviter l’inégalable KRS-ONE. Incontournable !

Originaire du Bronx, lieu de naissance historique du hip-hop, KRS-One, Lawrence Krisna Parker de son vrai nom, a eu un parcours vraiment sinueux. Il quitte sa famille à quatorze ans et se retrouve SDF à dix-sept. Son histoire, c’est un peu La valise en carton du hip-hop. Recueilli dans un centre d’hébergement, il y fait deux rencontres décisives : celle de Cedric Miller, plus connu sous le nom de Ced Gee, premier dans le Bronx à posséder un sampler, et celle de son assistant social, Scott Stearling, qui sévira sous le nom de Dj Scott La Rock. En 1987, nos trois lascars forment le B.D.P. (Boogie Down Productions) et accouchent dans la foulée d’un premier album, le classique des classiques Criminal Minded. Une imagination débordante, des textes intelligents, un retour salvateur à la source jamaïcaine du hip-hop (The bridge is over demeure vingt ans après le plus bel exemple de la fusion rap/ragga) : KRS-ONE apparaît ainsi en première ligne d’une nouvelle génération d’artistes (la new-school, par opposition à la old-school) qui permet au hip-hop de vivre son âge d’or. Après ce premier succès, c’est le drame : Scott La Rock est abattu. Pour KRS-ONE, le combat continue et il rallie, avec le single Stop the violence, tout ce que le hip-hop compte d’activistes conscients. Les albums se succèdent alors, d’une qualité rare et constante. Intelligence et lucidité — deux qualités peu prisées dans le milieu — sont peut-être celles qui caractérisent le mieux KRS-ONE, un des rares mc’s à éclairer un mouvement joyeusement englué dans ses propres contradictions. Ses combats, très éloignés du « Fuck da police » en vigueur, se concentrent autour de l’éducation et de la culture[1], seules possibilités d’ascension sociale selon lui pour les exclus de la communauté noire[2]. Plaisir rare, KRS-ONE est aussi l’un des seuls avec Public Enemy à marier la finesse des textes à une musique énergique, conservant le côté hardcore qui plaît tant aux fidèles. De la musique, des mots, reste encore le talent qui permet de faire vivre cet ensemble, talent qui nous est rarement apparu aussi convaincant que lorsqu’il s’empare lui-même du micro. Son flow, cette musicalité des mots, reste (et restera) pour tous un sommet inaccessible. Véritable bête de scène, il saura convaincre les plus réticents à un art dont il est devenu maître. Une surprise peut en cacher une autre : il partagera la scène avec Tony Touch — dj unanimement et historiquement reconnu — et Bashi-B, venu tout droit de Jamaïque. Entre Kingston et New-York, le hip-hop se conjugue au présent et fait escale à Aubagne. Voici une très belle occasion de découvrir les architectes de notre propre histoire.

nas/im

Le 26 à 18h au Parc Jean Moulin à Aubagne. Rens. 04 42 18 17 35

Notes

[1] KRS-ONE, acronyme pour Knowledge Rules Supreme Over Nearly Everyone (La connaissance règne en maîtresse suprême sur presque tous)

[2] Les titres de ses morceaux parlent d’eux-mêmes : You must learn, Get your self up…