Le labyrinthe, au Théâtre Nono
Un labyrinthe borgésien
A la Campagne Pastré, il fait bon aller se perdre dans le dédale d’énigmes proposé par l’équipe du Théâtre Nono. Suivez le guide !
Plongés dès l’entrée dans un univers sonore fait de superpositions de soliloques, on pénètre dans le monde onirique imaginé par Serge Noyelle. Des boucles de paroles émanent de la bouche peinte en rouge geisha de personnages qui semblent éternellement errer dans le labyrinthe borgésien. Fards blancs et poudres de sel, costumes en flanelle ancienne et dentelles brodées… les personnages-fantômes baroques et décalés surprennent celui qui s’égare et que nous sommes. Puisant dans les univers picturaux de Salvador Dali et Matthew Barney, la scénographie de Noyelle et de Stéphanie Vareillaud nous propose apparitions, visions jusqu’à l’hallucination. D’une sensualité incroyable, ces hommes, ces femmes, ces monstres, nous bercent de leurs présences ponctuées d’idiomes d’ailleurs. La parole, dont la matière textuelle a été écrite par Marion Courbis, co-directrice artistique de la compagnie, est disséquée, cherchée, fouillée, rythmée, jusqu’à se rendre muette. Derviches, Sphinge, Prêtresse japonaise, Femme au loup d’aiguilles, Tête coupée, Eve nymphe et Adam diabolique sont autant de figures symboliques détournées, qui par l’aspect initiatique du dispositif nous interrogent et nous perdent dans une dimension certaine de plaisir. Plongés dans le doute, nous nous retrouvons un peu comme des « enquêteurs de subjectivité », pour reprendre l’expression de l’écrivain Marcelo Bertuccio, bien moins en excursion qu’en incursion, au centre du nous-même enfoui, qu’on redécouvre comme dans un rêve éveillé, celui d’un autre, celui d’un Fou.
Joanna Selvidès
Le labyrinthe. Jusqu’au 25/10 au Théâtre Nono (35 traverse de Carthage, 8e). Rens. 04 91 75 64 59