Le Labyrinthe de Pan – (USA/Mexique/Espagne – 1h52) de Guillermo Del Toro avec Ivana Baquero, Sergi Lopez…
Comme dans L’échine du Diable, c’est au cœur d’une Espagne exsangue et nouvellement franquiste que Guillermo Del Toro a choisi d’installer son récit mélancolique. Cette tranche historique particulièrement noire sera le cadre infecté des instants « magiques » de la jeune Ofélia. Icelle y rencontrera le mythologique… (lire la suite)
La chute
Comme dans L’échine du Diable, c’est au cœur d’une Espagne exsangue et nouvellement franquiste que Guillermo Del Toro a choisi d’installer son récit mélancolique. Cette tranche historique particulièrement noire sera le cadre infecté des instants « magiques » de la jeune Ofélia. Icelle y rencontrera le mythologique Pan, un faune douteux et ténébreux qui nourrira son imaginaire de gamine en l’éclairant sur son possible passé de princesse déchue. Passé qu’elle ne pourra retrouver qu’à la condition de surmonter trois épreuves… L’atmosphère s’étale. Le fantastique menaçant arrive lentement. Ponctuel comme une horloge et toujours très violent. Psychologiquement et visuellement. La cruauté qui surgit de la mise en perspective de l’opposition du réel et de l’irréel est saisissante. D’un côté comme de l’autre personne n’a de pitié. Les partisans fascistes ne sont pas plus méprisables que l’Ogre (passage sublime, mélange d’Alice au pays des merveilles et du Saturne dévorant ses enfants de Goya) ou que Pan lui-même. Ce qui jette un sacré trouble sur la notion (morale) du conte de fées. Ofélia, symbole de la pureté, de l’innocence et aussi de la folie, n’a aucun référent crédible. Elle est seule et seule elle restera, jusqu’à la mort. Si le film offre des séquences remarquablement spectaculaires en tous points, c’est en définitive la puissance complexe du Mal qui attire et qu’interroge Guillermo Del Toro. Comment définir l’existence de ce mal en nous ? Quelle est son origine ? Cette question de la déviance et de la chute le taraude. Dans Le Labyrinthe de Pan, quelle que soit la position des personnages (militaires, légendaires, adolescents), ils contribuent à la disparition, à l’échec des idéaux, des modèles (démocratiques ou autres). Superbement pessimiste. Les révolutionnaires ont perdu la guerre civile, les partisans de Franco, à l’époque, attendent une Espagne nouvelle mais savent à quel point tout ceci est illusoire. Les légendes, celles qui conduisent à la beauté, à l’amour, au bonheur, sont elles aussi source de néant. Les protagonistes ne peuvent échapper aux tragiques destins qu’ils se sont forgés ou que Pan, Dieu mystère, a forgé pour eux. Et ce, même en rêve… Si Le Labyrinthe de Pan n’est pas un chef d’œuvre, il s’en approche…
Lionel Vicari