Le mal, aimé

Le mal, aimé

Que retiendra-t-on exactement du 24 avril 2022 ? Peut-être que c’est le jour où les « cadors » de la majorité présidentielle ont définitivement acté la banalisation de l’extrême droite.

Sitôt les résultats connus (et le lendemain), on a en effet pu les entendre se féliciter, à l’unisson et sans aucune hésitation, que le président avait été le seul réélu de la Ve République « hors cohabitation ». Avouons qu’on ne s’y attendait pas, à celle-là ! D’autant que l’affirmation, lunaire et assénée non sans arrogance (mais ça, on pouvait s’y attendre), ne tient que par ses deux derniers mots. La réalité est plus proche de l’affirmation des représentants de LFI, selon laquelle le président est « le plus mal élu de la Ve République » puisqu’il n’a récolté, au second tour, que 38,52 % des suffrages en comptant l’abstention (record), les votes blancs et nuls, soit le pire score depuis Pompidou en 1969.

Mais le pire, et c’est en cela que ce 24 avril se situe à l’exact opposé du 21 avril 2002, c’est donc l’absence de prise en compte de l’adversaire du président réélu. Un adversaire qui portait pourtant le même nom dans les deux cas. Et, en dépit de sa dédiabolisation cosmétique (largement favorisée par l’autre candidature d’extrême droite, la complaisance des médias mainstream et le président lui-même), un adversaire qui portait la même politique dans les deux cas.

Mais là où, il y a vingt ans, le second tour avait été vécu comme une déflagration par la classe politique, et a fortiori par une majeure partie des Français qui avaient offert un score de dictateur africain à Chirac, cette cuvée 2022 a un goût bien amer. En serinant cette phrase, les représentants de LREM ont fait comme si l’adversaire du président n’était pas un danger pour la démocratie. Comme si une grande partie des déçus du premier tour n’avaient pas, une fois de plus (on ne les compte plus), combattu — seuls — l’extrême droite en donnant leur voix à un candidat dont ils désapprouvent absolument le programme et la façon de conduire le pays, et qui n’a cessé d’afficher son mépris à leur égard.

24 avril 2022 : l’extrême droite obtient 41,2 % des suffrages exprimés dans l’indifférence de ceux qui nous gouvernent. Circulez, y a rien à voir.

 

Cynthia Cucchi