LE PASSAGER – (France – 1h25) de et avec Eric Caravaca, avec Julie Depardieu, Vincent Rottiers…
Depuis de nombreuses années, Eric Caravaca creuse, en toute discrétion, son sillon dans le paysage cinématographique français. A l’écart de l’inflation médiatique, il a notamment tourné avec Noémie Lovsky, Jean-Pierre Limosin, Patrice Chéreau, Lucas Belveaux, et signe… (lire la suite)
Son frère
Depuis de nombreuses années, Eric Caravaca creuse, en toute discrétion, son sillon dans le paysage cinématographique français. A l’écart de l’inflation médiatique, il a notamment tourné avec Noémie Lovsky, Jean-Pierre Limosin, Patrice Chéreau, Lucas Belveaux, et signe aujourd’hui un premier film ambitieux en tant que réalisateur. Inspiré de La route de Midland, roman d’Arnaud Cathrine qui a été associé à la conception du scénario, le film nous dévoile les affres d’un homme qui apprend la mort de son frère, part pour la région marseillaise reconnaître le corps, récupère les affaires du défunt et, au lieu de retourner chez lui à Paris, reste sur place pour recomposer les morceaux épars d’une fraternité disparue. Elle était morte bien plus tôt, cette relation entre frères, et c’est aussi sur l’énigme de cette rupture que le Passager va tisser son enquête sentimentale. A l’origine, Eric Caravaca ne devait pas jouer dans le film, mais des problèmes de santé rencontrés par l’acteur principal (Yann Goven) ont contraint le réalisateur débutant à interpréter le personnage de Thomas. Cette double fonction apporte au film une autre dimension, le sentiment pour le spectateur de s’introduire progressivement dans l’intimité de l’auteur. Le deuil et le pardon, l’exil et la famille (naturelle ou reconstituée) sont autant de thèmes qui jalonnent les errances de Thomas et le ramènent à un épisode trouble de son enfance. Toutefois, l’évocation de ce trauma initial semble emprunter les voies de l’artifice (des flash récurrents dont la durée s’accentue pour nous dévoiler à la fin du film la scène dans son entière brutalité) : c’est peut-être l’un des seuls reproches que l’on puisse adresser au film. Celui-ci réussit à inscrire son histoire dans un décor d’une étrange banalité — une bande de terre entre l’aéroport de Marignane et l’étang de Berre — qui semble enfermer les protagonistes dans un microcosme irréel et singulier. Chaque personnage croisé au cours de ce voyage intérieur porte en lui une part de fragilité et de vérité, et l’annonce du décès fait passer le récit du non-dit et de la suggestion au dévoilement d’une souffrance trop longtemps enfouie. La mort de l’autre est une petite mort pour soi et il semble que le frère mort soit autant celui qui est parti que celui qui reste avec ses souvenirs. Avec ce film intimiste et humaniste, Eric Caravaca, acteur discret, devient un cinéaste prometteur.
nas/im