Le petit Dicon du cinéma : B comme « Bankable »
Du latin « bancus », qui signifie à peu de choses près « argent facile », et de l’anglais « able », que je me refuse à traduire pour ne pas heurter vos petits yeux, le terme « bankable » est avant toute chose…
Du latin « bancus », qui signifie à peu de choses près « argent facile », et de l’anglais « able », que je me refuse à traduire pour ne pas heurter vos petits yeux, le terme « bankable » est avant toute chose le fruit d’un atroce métissage. Ceci expliquant peut-être cela, il est également utilisé à tort et à travers par des esprits malveillants dans le seul et unique but de ternir la réputation de chefs-d’œuvre comme La Faille et de fabuleux éphèbes blonds au profil de prince pirate comme Ryan Gosling ou moi. Pourtant, « Bankable » est vraiment un très beau terme qui sait évoquer toutes sortes de sentiments délicats pour peu qu’on se donne la peine de le placer dans une conversation sur la recette de la poule au pot ou les acteurs les mieux payés d’Hollywood. Hollywood justement. Il en est qui pensent que c’est l’usine à rêves qui a conceptualisé le « bankablisme », histoire de rassembler sous un terme générique ces stars sur lesquelles on peut miser le pactole car leur seul nom sur une affiche est capable d’attirer une foule de spectateurs furieux. Inculte, va ! Tu ne connais pas tes classiques, mais je te pardonne. Déjà, au début du XIXe siècle, Goethe, assistant à un leçon entre Beethoven et Haydn, relève une occurrence de ce terme : « Ludwig Van : pom, pom, pom-pom ; – Haydn : Magnifique, Ludwig ! M’est avis que cette 5e symphonie va faire de toi un compositeur bankable ; – Ludwig Van : Hein ?! ; Haydn : Non, rien… T’as pas un truc plus gai ?[1] » . Tout ça est donc très clair : là où le vulgaire se contente de « pompe à fric », l’anglais — dans son absolue finesse — préfère parler d’un acteur « bankable ». Ils sont forts ces Ricains.
Romain Carlioz
Notes
[1] (Goethe, Lettres à ma femme)