Le Printemps des Marseillais au Théâtre Silvain

Programmation variée cet été au Théâtre Silvain, mais printemps résolument aux couleurs locales. Un Printemps des Marseillais, pour les Marseillais et par eux-mêmes. Du théâtre, de l’opérette et de la bonne blague avec, sur les planches, de la star du terroir. On en a profité pour interviewer Philippe Caubère, grand chef d’orchestre de la manifestation.

 

Fausse Monnaie, vrai bon plan

 

A priori un plateau hétéroclite, disons pour le moins surprenant. Esprits formolés au bon goût corseté s’abstenir. Il va falloir faire le rapprochement entre un Caubère et un Bosso, le trait d’union entre un Ascaride et un Galabru, la synthèse entre une lecture jouée de Valletti et une opérette des Carboni. Une évidence en fait. N’en déplaise à certains psychorigides, il arrive qu’aux beaux jours (météo vérolée !), le Marseillais heureux, rétif à la bonne norme autant qu’indifférent au jugement d’autrui (fût-il parisien), décide de se laisser aller sans arrière-pensée au plaisir du moment. Au plaisir d’être ici. Comme un hommage à Marseille « terre de contrastes ».
Réarmé pour la culture en 1999, le théâtre Silvain a tous les atouts pour faire prendre la mayonnaise (je sais que ça en indispose certains, mais je mettrais bien un peu d’ail dedans) : le cadre de verdure comme à Capri avec en prime l’acoustique du Carnegie Hall de New York. C’est beau comme l’Antique !
Esprits obtus à la norme exquise, passez votre chemin, esprits ouverts mais aux fesses sensibles, munissez-vous d’un coussin…

Laurent Centofanti

 

Le Printemps des Marseillais : du 8 au 18/06 au Théâtre Silvain (Corniche du Président John F Kennedy, 7e).
Rens. 04 67 50 39 56 / www.capsur2013.fr

 

Dernière minute 

Nous apprenons en plein bouclage que Phillipe Caubère vient d’être victime d’une grave chute sur scène, lors de la première de La Danse du diable à Tarascon-sur-Ariège.

Il souffrirait apparemment d’une rupture du talon d’Achille, ce qui devrait « légèrement » compromettre sa programmation pour les mois à venir. Nous lui exprimons notre chaleureux soutien dans ces circonstances « à la con » et lui souhaitons le plus rapide des retours sur les planches. La représentation de Jules et Marcel est quant à elle maintenue.


 

L’Interview
Philippe Caubère

 

Dans votre texte de présentation du Printemps des Marseillais, vous confiez que la programmation de Patrick Bosso a été pour vous l’occasion d’une réflexion sur la notion de branchitude. Vous y dénoncez ce « conformisme de parvenus et d’ignorants qui bannit l’art populaire au profit de la culture, cette religion », ceux qui, par snobisme, passent à côté de l’heureuse galéjade chère à Suarès. Mais où s’arrête vraiment l’heureuse galéjade et où commence la cigale musicale en céramique accompagnée de son « joli » sachet de lavande ?
Je crois que cela a à faire avec l’appréciation fine. On ne peut pas le définir, c’est à l’appréciation de chacun, c’est indicible… Et pourtant, ça existe, c’est presque comme une odeur ou une couleur, comme une sensation. Il y a un moment où on sombre dans la pagnolade. Disons pour être un peu simpliste qu’on peut voir ce que font les hommes politiques avec tout ça, parfois à Marseille, quand ils essayent d’utiliser cette sensibilité extrêmement importante pour draguer les électeurs : ça, c’est la pagnolade. Et de l’autre côté, il y a comment au contraire certains s’efforcent de corriger leur accent jusqu’au ridicule, ou font semblant de ne jamais l’avoir eu, pour voir où commence la branchitude et la volonté ou l’espoir d’être parisien à tout prix, en oubliant que Paris n’existe pas, parce qu’il n’est fait que de provinciaux et d’étrangers.

 

Vous êtes actuellement à l’affiche du dernier film de Camille de Casabianca, L’Harmonie familiale. Si l’on exclut le court métrage que vous avez tourné avec Didier Barcelo (The End), cela fait presque six ans sans cinéma depuis Truands de Frédéric Schoendoerffer. Est-ce parce qu’on ne vous propose pas assez de film, que vous en refusez beaucoup ou que le théâtre vous prend trop de temps ?
Je mentirais si je disais qu’on m’en propose beaucoup, mais je dois bien avouer que je refuse généralement le peu que l’on me propose. Le cinéma est plutôt assez généreux avec moi, je suis beaucoup plus ingrat que lui. Mais on ne peut pas tout faire dans la vie… Je n’aime pas le mot « carrière », ça ne correspond pas à ce que j’ai fait dans ma vie. J’ai plutôt raté ma carrière, mais j’ai réussi autre chose, qui implique une exclusivité, un abandon. Alors de temps en temps, je peux faire un film par goût. J’ai fait le film de Camille par amitié, c’est quelqu’un que j’admire beaucoup, je n’ai même pas lu son scénario ! Pour dire, je n’ai toujours pas vu le film, j’espère que c’est bien.

 

Harmonie familiale pourrait-il être le début d’un nouveau cycle cinématographique, d’une nouvelle collaboration au long cours ?
J’espère, mais je ne suis pas sûr. Je suis un touriste du cinéma, mais les trois films que j’ai faits sont très marquants : Molière, La Gloire de mon père et Truands ont eu beaucoup d’impact, chacun à leur manière. Pour faire carrière au cinéma, il faut faire tout ce qu’on vous propose, on peut faire le difficile mais beaucoup plus tard, quand on est « installé ». Pour moi, c’est l’inverse, je fais que ce que j’aime. Je ne sais pas si ça peut être un commencement… Non, je suis trop vieux pour faire un commencement… Par contre, ça peut déboucher sur une proposition de film que j’aurai envie de jouer, alors là, tout à fait.

 

Parlons théâtre. On garde le souvenir de votre passage à la Minoterie : La Ficelle et La Mort d’Avignon étaient présentés comme un épilogue de la saga de Ferdinand Faure. Bien que « trop  vieux  pour un commencement », l’acteur est loin d’être mort… Peut-on imaginer que la saga continue ?
Non, c’est fini. Le Roman d’un acteur, L’Homme qui danse, toutes ces séries théâtrales qui m’ont pris la majeure partie de ma vie, en tout cas de ma vie d’artiste, sont achevées. Pas finies, mais achevées. Cet hiver, j’ai envie de reprendre Avignon 68, parce que ça parle beaucoup des socialistes et que ça serait d’actualité. Ce ne sont pas des reprises, car ces spectacles demandent un tel investissement physique, mental et même dans ma vie, qu’il s’agit plus de re-créations. Pour La Danse du diable, je dois dire que c’est le lieu qui m’en a donné l’idée : le théâtre Silvain était trop grand pour jouer Marsiho, comme Patrick Menucci me le proposait. Ce n’était pas simple parce qu’il faut trouver la forme physique… Ça fait des mois que je travaille là-dessus. Je me suis inspiré de mon idole, Johnny Halliday qui, quand il passe dans les carrefours importants de sa vie, disparaît de la circulation pour faire du sport. Mais je n’ai pas la même pratique sportive que la sienne, je suis plutôt piscine et VTT. Et, surtout, la solitude : je ne supporte pas la présence d’un coach, donc je fais ça tout seul.

 

En résumé, pas de nouveau chapitre à espérer pour les fans de Ferdinand ?
J’écrirai d’autres pièces, je ferai d’autres spectacles autobiographiques, bien sûr. Pour l’instant, j’ai joué ma vie de jeune homme, c’est-à-dire jusqu’à mes trente ans. Je n’ai jamais raconté ma vie après, je souhaite vraiment pouvoir le faire. Je n’ai pas commencé, mais je m’y prépare.

 

Vous allez être aux côtés de Gilles Ascaride au Théâtre Silvain… Etes-vous un fan ou du moins un lecteur d’Overlittérature ?
Je suis un fan d’Ascaride, je le lis depuis des années. Son spectacle, programmé au Printemps des Marseillais, est magnifique. J’ai d’ailleurs le projet de créer très bientôt une de ses pièces sur Marseille, hilarante, Maître Castafia et son valet Ali, mise en scène par John Arnold. Je jouerai le rôle principal. Pour moi, c’est une rencontre aussi importante que celle que j’ai pu faire avec Bénédetto par exemple.

 

2013, Capitale de la culture. Avez-vous eu l’occasion de visiter les nouveaux lieux, de voir le nouveau visage du port, d’aller vous balader dans le « nouveau » Marseille ?
Oui, bien sûr, je me suis baladé, je suis allé sous l’ombrière, j’ai trouvé ça formidable, comme l’illumination de Marseille par les feux. Je ne pourrai pas être là malheureusement pour la Transhumance. En ce moment, je ne peux pas aller au théâtre parce que je travaille trop, mais je suis tout le programme de Marseille 2013 : c’est quand même un événement formidable.
Je regrette un peu de ne pas en avoir fait partie, encore que ça nous a donné cette idée du Printemps des Marseillais… Une manifestation qui me permet de verbaliser, d’exprimer et d’acter l’espèce de combat que je mène depuis trente ans avec mes pièces, contre la branchitude.
J’ai une petite subvention sans laquelle je n’aurais jamais pu faire mes spectacles. Depuis vingt ans, c’est la gauche qui m’enlève cette subvention et c’est la droite qui me la rend. Ça fait bizarre quand on est un supporter de Mélenchon et du Front de Gauche de se dire que ça fait vingt ans que je vote pour mes ennemis. Parce que la branchitude, elle est socialiste. Donc voilà, je suis content de travailler avec un socialiste ! Enfin un socialiste me tend la main et me parle, ce n’était jamais arrivé depuis Catherine Tasca.

 

Donc votre pronostic pour les municipales prochaines, en tout cas votre choix, semble fait…
Mon choix est fait, mais je ne voudrais pas qu’on dise que c’est à cause de ça. D’autant que j’hésite entre Patrick et le Front de Gauche, avec lequel j’ai beaucoup d’affinités. J’ai beaucoup d’admiration pour l’œuvre politique de Mélenchon et ce qu’il fait avec le PC me parait extrêmement important.

Propos recueillis par Laurent Centofanti