Le Projet Ennui au Théâtre de Lenche
L’interview
Guillaume Cantillon (Cie Cabinet de Curiosités)
Imaginé par Guillaume Cantillon et Franck Magis, Le Projet Ennui s’attaque à toutes les facettes de ce sentiment sans se prendre les pieds dans le tapis. Ou comment démontrer que l’ennui, finalement, ce n’est pas si ennuyeux que ça.
Comment se présente ce Projet Ennui ?
Il s’agit d’une exploration à bases de séquences mises bout à bout, du mot « ennui », dans tous les sens du terme. On va d’un extrême à l’autre, de l’ennui mécanique, qui nous interrompt lorsqu’on est occupé à une tâche répétitive, à l’ennui qui peut conduire à la déprime. On peut établir un parallèle avec le Big Bang : on part de rien pour créer quelque chose. On s’appuie sur des situations concrètes et, comme pour beaucoup de nos créations, on essaie d’explorer toutes sortes de théâtralités. On a même créé Le Grand Livre de l’ennui que l’on distribue au spectateur et qui permet une continuité du projet.
Pourquoi avoir choisi de travailler sur l’ennui qui n’est pas, a priori, un sujet drôle ?
C’est une forme de provocation par rapport au théâtre. Quand on sonde les gens qui vont au théâtre, c’est l’un des mots qui ressort, et on a décidé d’en prendre le contre-pied. On part de ce défaut assez récurrent pour en faire un spectacle dans lequel on tente de provoquer toutes sortes de choses, sauf l’ennui, justement.
Comment avez-vous trouvé votre matière première ?
L’idée étant d’être le plus large possible, on a vraiment exploré toutes les pistes. Nos recherches nous ont conduits, entre autres, au texte d’un auteur suisse, Jérôme Richer, qui correspondait bien à nos idées. On a vraiment pris à droite et à gauche, on s’est même appuyé sur notre propre expérience de création de spectacle. Les problèmes financiers que l’on a rencontrés ont beaucoup nourri les scènes et le propos.
Ce spectacle peut-il être décrit comme comique ou cache-t-il autre chose ?
Globalement, c’est drôle, on ne se prend pas au sérieux, mais il y a un fond. L’espace de l’ennui n’existe plus et d’une certaine manière, on en fait la critique. On ne laisse plus aller nos pensées ; au contraire, on se maintient dans un état de perpétuelle agitation. Or, la pensée peut être fertile du moment qu’on la laisse travailler. C’est d’ailleurs ce que l’on dit aux enfants : l’ennui fait travailler l’imagination. On peut y voir un parallèle avec les jeux télévisés : on occupe la populace pour qu’elle se taise et ne pense plus. Du pain et des jeux, point.
Cette critique de la société de consommation était-elle voulue dès le départ ?
Oui, et même si l’on n’a pas eu envie de faire un truc à thèse, on espère tout de même qu’elle ressort dans la construction du spectacle et le ton employé.
On n’est pas des punks, le spectacle est grand public, mais cela n’empêche pas de pouvoir y lire plus qu’une simple pochade sur l’ennui. C’est non seulement une critique de la consommation, mais aussi du politique qui tente de remplir les têtes avec des bêtises pour empêcher les gens d’aller à l’essentiel.
Critique de la consommation, petit pied de nez à la profession… Comment a été reçu le spectacle ?
Jusqu’à maintenant, ça a bien fonctionné avec le public puisqu’une partie y a vu quelque chose de plus profond qu’une simple succession de tableaux. Notre but ultime n’est pas non plus de les convaincre : on souhaite faire passer quelque chose, mais sans trop appuyer dessus. Cela dit, si une majorité de personnes finit par nous dire qu’elles n’ont rien vu de plus, je pense que je serais un peu déçu.
Quant à la profession, le spectacle a été controversé, mais, tout comme le public, certains y ont vu une dramaturgie différente, pas juste un enchaînement de saynètes.
Et puis le spectacle continue, il est en perpétuel mouvement et l’on a toute la liberté de le faire évoluer.
Propos recueillis par Aileen Orain
Le Projet Ennui (It’s enough to bore you to death) : du 15 au 26/10 au Théâtre de Lenche (4 place de Lenche, 2e). Rens. 04 91 91 52 22 / www.theatredelenche.info
Pour en savoir plus : http://curiositescuriosites.free.fr
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