Le Retrogaming Show, volume 2

Le Retrogaming Show, volume 2

De bits et de blocs

Après un premier essai pas vraiment médiatisé mais transformé l’an passé, le Retrogaming Show se paye le Dock des Suds pour deux jours d’immersion totale dans le monde merveilleux du jeu vidéo vintage. Expo, compétitions, ateliers, cosplay et installations interactives… plus qu’un évènement, c’est tout un mouvement – dans sa version créative et underground – qui se donne rendez-vous le dernier week-end de mai. Start !

Le retrogaming est l’activité qui consiste à s’adonner aux plaisirs vidéoludiques du passé. Il convient de rappeler que le jeu vidéo n’est pas une forme de création artistique pérenne car, en dehors de quelques remakes ou ressorties sporadiques, les productions disparaissent en même temps que le support qui les accueille. Les plateformes de jeu sont remplacées au fil de l’évolution matérielle, régie par une course à l’innovation technologique qui pousse rapidement les générations précédentes à la désuétude. Sans l’acharnement de multiples acteurs indépendants, les plus jeunes gamers auraient peu de chance de connaître les classiques des décennies échues, à moins de se documenter par eux-mêmes.
Le sujet déchaîne les passions, notamment auprès des générations qui ont connu les balbutiements de l’industrie, l’époque où des pionniers créaient, bien souvent sans le sou, des univers représentés par un nombre très limité de (gros) pixels. Pour avoir vécu ce que certains définissent comme l’âge d’or, les plus anciens joueurs luttent pour honorer sa fragile mémoire (vive). Plus généralement, un mouvement vintage a donné un second souffle aux machines délaissées dans les placards, le public aspirant soudain à se remémorer les plaisirs – numériques – de sa jeunesse.
C’est dans ce contexte, et avec cette volonté farouche de sauvegarder le patrimoine vidéoludique tout en lui permettant de continuer à vivre – car sans interaction, il n’est rien –, que se tient la seconde édition du Retrogaming Show. Organisé par Archeopterix, militant et archiviste très actif, l’événement sera l’occasion de plonger dans le passé foisonnant du média, en posant librement ses mains sur une centaine de consoles vintage et bornes d’arcade (de Pong à la Dreamcast). Les plus curieux pourront découvrir une exposition muséographique des premiers ordinateurs, assister à la construction d’un exosquelette en direct, ou encore à des ateliers de circuit bending (création par détournement de matériel) mâtiné de steampunk, assurés par des artistes vus aux Nuits Sonores de Lyon. Les plus joueurs se livreront à des concours gratuits, ponctués par une grande compétition de Street Fighter 2 Turbo en présence de pro gamers. Sans omettre une touche de cosplay rétro ou la présence des éditions Pix’n Love, lesquelles présenteront leurs riches collections dédiées à la « playhistoire ».
Un programme fourni et exaltant, qui s’annonce autant instructif que ludique, pour mieux rappeler ce que la production actuelle doit aux créations du passé, faute d’exposition permanente – sinon sur papier ou dans les arcanes d’Internet. Parce que le jeu vidéo est avant tout une question d’histoires à vivre, de sensations à éprouver par soi-même, dont la mémoire dépend de ce genre d’initiatives.

SV

Le Retrogaming Show, volume 2 : les 26 & 27/05 au Dock des Suds (12 rue Urbain V, 2e).
Rens. www.leretrogamingshow.fr

archeopterix

Drôle d’oiseau

Derrière le Retrogaming Show se cache Archeopterix, personnage emblématique et singulier qui doit son nom (d’oiseau) à un dinosaure à plumes du Jurassique. Toujours affublé de son chapeau d’archéologue d’un genre nouveau, Julien Meaux Saint Marc nous a ouvert son antre.

Archeopterix devrait se présenter aux Municipales. A voir sa cote de popularité, il ferait probablement un bon score… Pourtant, rien n’est acquis lorsqu’il débarque à Marseille, incognito, il y a dix ans, pour exercer le métier de courtier en archéologie. Qui aurait pu se douter que ce ne seront ni les amphores ni les os de dinosaures qui vont le dévoiler au grand jour ? Dans son feu-Cabinet de Curiosités des Arnavaux (en passe, lui aussi, de rentrer dans la légende), les reliques animales se voient alors reléguées au second plan, à l’ombre des « nouvelles » vedettes : toutes les vieilles machines qui ont accompagné notre enfance, des consoles à la Dictée Magique, en passant par les ordis et autres boîtiers contenant des circuits imprimés. Autant de vieux objets jaunis par le temps, rendus obsolètes par les marchés et récupérés jusque dans des poubelles, d’abord à la demande d’une poignée de musiciens. Collectionneur, Archeopterix ? Non, chip provider ! La nuance est de taille : « Je prends plus de plaisir à transmettre l’objet plutôt qu’à le posséder. C’est pour ça que je ne suis pas à la recherche des pièces rares et chères, mais plutôt de celles qui vont servir à des artistes. Et quand je monte mes expositions, je ne les mets pas sous vitrine, mais à la disposition du public », précise-t-il. Généreux et indispensable de par son besoin de transmission, il se situe ainsi au carrefour des disciplines. « Je me sens appartenir à la mouvance open source, celle des hackers. Dans laquelle, à l’inverse des milieux plus confidentiels, on parle passion et partage des expériences. » Intarissable sur des sujets aussi vastes que le design, la décroissance ou les oscilloscopes, Archeopterix fourmille d’idées, toutes plus fédératrices les unes que les autres. « Marseille est une ville où tout reste à faire. Du coup, je me retrouve ici un peu comme un précurseur. » Pourtant, cela fait un petit moment que sa reconnaissance a dépassé la simple sphère phocéenne. Invité dans tout un tas de festivals, de Reims à Lyon en passant par Paris, et aperçu jusque dans VSD (!), il exerce désormais son activité à temps plein. En témoigne son appartement, véritable réserve – et non pas musée – qu’il vide et remplit au fil des expositions et autres assemblages de murs d’écrans interactifs. On comprend vite que la technologie n’est pas une fin en soi. Ce qui importe, c’est l’humain, son vécu, incontournable et passionnant, et son futur, créatif et excitant. A travers sa quête, Archeopterix a pris les devants. Plus qu’un simple article, c’est un livre qu’il faudrait lui consacrer.

Jordan Saïsset

Rens. archeonaute@live.fr / www.facebook.com/archeopterix.chip