Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta
Chéries graphies
Après la pause covidienne, le salon marseillais du fanzine Vendetta fait son retour. Et la nique aux censeurs avec un hommage au pilier de l’underground canadien, Henriette Valium.
Sur la porte du Dernier Cri, à la Friche de la Belle de Mai, un écriteau en guise d’avertissement : « Interdit aux moins de 16 ans ». La réalité, deux étages plus bas, serait-elle moins crade, avec ce Pôle Emploi au frontispice duquel un chômeur a inscrit à la bombe « Donnez-moi du travail » ? Au Dernier Cri, en tout cas, on n’en manque pas, l’équipe étant en train d’usiner ferme pour l’ouverture de la neuvième édition du salon marseillais du fanzine et de la micro-édition, Vendetta, qui se déroulera du 10 et 12 février.
Un festival créé en 2013, en marge cette année où Marseille fut éphémère Capitale européenne de la Culture. Et qui, Covid oblige, a dû faire une pause en 2022. Alors, pour son retour, Pakito Bolino, fondateur du Dernier Cri et du salon, met les bouchées doubles. Sans cacher une certaine nervosité. Il faut dire que le climat est loin d’être serein, comme en atteste la polémique qui a entouré l’exposition de Bastien Vivès à Angoulême, puis son annulation. Dans le Monde, une quarantaine d’acteurs culturels ont dénoncé une société au « bord de l’obscurantisme ».
De quoi rappeler à certains quelques mauvais souvenirs. Alors, pour faire la nique aux censeurs de tout poil, Vendetta va rendre hommage à Henriette Valium, un pilier de l’underground canadien. Qui, nous explique Pakito, « est peut-être celui qui a contribué à ce que le Dernier Cri existe. Alors que j’y faisais les beaux-arts, quand il est venu à Angoulême dans les années 80, je l’ai hébergé. Puis, quand je vivais à Paris, j’ai eu l’occasion d’aller le voir au Canada. Et en voyant son travail, ce qu’il avait réussi à faire, je me suis dit que, moi aussi, je devais monter mon propre atelier de sérigraphie. »
Voilà pourquoi, au quatrième étage de la Friche de la Belle de Mai où, bientôt, pas loin d’une petite centaine d’exposant s’installeront à la faveur d’une pénombre aussi tortueuse que leur production, ça ne chôme pas. Pour reproduire, à l’entrée, la couverture d’une de ses œuvres, Cœur de maman. Ou reconstituer, quasi à l’identique, son atelier ! « À la fin de sa vie, Valium vivait dans un garage qu’il a lui-même aménagé en glanant ici et là des morceaux de palettes, des bouts de bois. Sa cabane au Canada… »
Pakito ne cache pas son admiration : « Si c’est la dernière expo du Dernier Cri et la dernière édition de Vendetta, autant finir avec un vrai punk ! C’était aussi presqu’un moine, capable de passer des mois sur une planche, des années sur un album. Mais, s’il a été édité en France au Dernier Cri à ou à l’Association, il n’a pas bénéficié d’une grosse diffusion au Canada. Comme on dit, nul n’est prophète en son pays. À part peut-être Ben Laden ! »
Et d’espérer que l’expo puisse tourner tandis qu’il fait le tour du chantier. « Ici, on pourra voir ses vidéos. Et là, il y aura la possibilité d’écouter sa musique. Il avait un groupe de punk, Valium et les dépressifs, et on a fait aussi des trucs ensemble, un peu plus indus. Il a commencé la sérigraphie en faisant des affiches pour des groupes et pour une salle mythique à Montréal, les Foufounes électriques. »
De fait, ce salon ne serait pas ce qu’il est sans son prolongement musical, Vendettatata. Après s’être retourné le cerveau et les pupilles à la Friche, direction donc Data et l’Embobineuse pour mettre ses tympans à rude épreuve. Au programme, entre autres, le son pop-punk de Péritel, la noise de Tremble, les machines de Tout Est Cassé ou encore la papesse du synthé bruitiste, Jean-Michelle Tarre.
Mais Vendetta, dans une ville qui, contrairement à Poitiers, n’a pas de fanzinothèque ou de lieu à proprement parler dédié à la micro-édition, c’est avant tout l’occasion unique de rencontrer la crème du fanzinat. Qu’il soit canadien, québécois… Mais aussi, évidement marseillais, comme Même Pas Mal, Corbak Press ou Bizarroïde Édition.
Sébastien Boistel
Salon Vendetta : du 10 au 12/02 à la Friche de la Belle de Mai (4 rue Jobin, 3e).
http://www.lafriche.org
Vendetta ta-ta-ta : les 10 & 11/02 à Data (44 rue des bons enfants, 5e) et à l’Embobineuse (11 boulevard Bouès, 3e).
Rens. : http://www.lembobineuse.biz