Le scaphandre et le papillon – (France – 1h52) de Julian Schnabel avec Mathieu Amalric, Emmanuelle Seignier…
« Attention : histoire vraie ! » Comme un slogan, ces quelques mots parent les films adaptés de faits réels d’un réalisme inattaquable et font office dans l’imaginaire cinématographique collectif de gage…
Histoire de l’œil
« Attention : histoire vraie ! » Comme un slogan, ces quelques mots parent les films adaptés de faits réels d’un réalisme inattaquable et font office dans l’imaginaire cinématographique collectif de gage de sincérité et de qualité. Pourtant, les belles histoires ne font pas toujours les bons films, ni les mauvais d’ailleurs. Au final, c’est la fiction que l’on juge, c’est elle qui nous touche plus que les situations réellement vécues. L’histoire dont il est ici question est celle de Jean-Dominique Bauby, journaliste et père de deux enfants, qui à la suite d’un accident vasculaire brutal en 1995, s’est retrouvé entièrement paralysé. Dans ce corps inerte, seul un de ses yeux bouge. Cet œil devient alors son unique lien avec le monde : il cligne une fois pour dire « oui », deux fois pour dire « non », arrête l’attention de son visiteur sur les lettres de l’alphabet qu’on lui dicte et forme des mots, des phrases… Avec son œil, il a donc écrit sa propre histoire, Le Scaphandre et le papillon, roman paru en 1997 qui est aujourd’hui porté à l’écran. Excessivement fidèle à l’esprit du roman, c’est à travers le regard de Bauby (Mathieu Amalric, qui fait ici preuve d’un minimalisme « de circonstance ») que nous entrons dans le film : caméra subjective et voix intérieure, nous semblons nous aussi prisonniers de ce corps qui ne répond plus. Il faut reconnaître que c’est une belle idée de cinéma qu’a eue ici Julian Scnhabel : regarder, ce n’est plus seulement percevoir, c’est aussi créer. Un autre mérite du film est d’avoir su éviter intelligemment les larmes et la surenchère dramatique ; nous partageons autant les souffrances de Bauby que ses rêves et ses joies. Toutefois, le réalisateur de Basquiat alourdit malheureusement son récit par des inserts récurrents illustrant la prison du corps (un scaphandre qui s’enfonce dans les profondeurs) ou la liberté de l’imagination (des fleurs et des papillons) ; plus que la simplicité de la métaphore, c’est l’utilité de telles images que l’on ne perçoit pas. Pourquoi nous montrer ce que l’on ressent déjà ? Au final, Le scaphandre et le papillon produit un effet plutôt étrange car se côtoient en son sein beaucoup de subtilité et pas mal de lourdeurs, ce qui n’a pas empêché le jury du dernier festival de Cannes de lui attribuer le prix de la mise en scène.
nas/im