Le Secret de Marion Rampal et Pierre-François Blanchard
La révélation
Avec Le Secret, Marion Rampal et Pierre-François Blanchard livrent un disque intimiste et envoûtant, enregistré à portée de souffle et de vibrations. Ils y explorent et exposent des correspondances et des rivières souterraines qui parcourent et relient les musiques terrestres dans leurs façons et leurs histoires. Un disque qu’aurait pu rêver — et révérer — Claude Nougaro.
Le temps suspend son vol, s’installe une forme d’apesanteur, commence une déambulation intérieure, dans l’intimité de la pensée, de la confidence. Le silence a dans cet enregistrement son épaisseur propre et sur ce confortable tapis, les notes se promènent pieds nus, légères de tout leur poids, rondes comme les perles du collier négligemment posé la veille.
Il y a dans Le Secret un peu du projet de Baudelaire Mon cœur mis à nu et un peu de son spleen. C’est le disque de deux instrumentistes, musiciens des cordes vibrantes (« Je ne suis pas musicienne mais je me sens musicienne avec ma voix ») qui invitent deux « insuffleurs » de supplément d’âme, Archie Shepp (sax tenor, voix) et Raùl Barboza (accordéon). À leur suite, une kyrielle de poètes, compositeurs : Fauré, Debussy, Schubert, Legrand, Verlaine, Brigitte Fontaine, Pierre Barouh… ouvriers métaphysiques de cet art polymorphe et guérisseur qui consiste, à la croisée de l’indicible et de l’écrit, à assembler des notes et des mots. Ils forment un « casting de rêve » au discret générique de cette œuvre probablement née il y a cinq ans sous le titre Lost Art Songs et aujourd’hui aboutie sous la forme d’un disque.
Précis, précieux, sensible et inspiré, Pierre-Francois Blanchard déploie autour de Marion des univers divers et visuels, tantôt un intérieur feutré, ailleurs un paysage marin, ici un tango vaguement loufoque… Ailleurs encore, il ouvre de délicieux et vertigineux précipices et l’on ne sait si le frisson qui court est celui du bonheur ou celui qui, le premier une soirée d’été, nous dit que bientôt ce sera déjà l’automne… « Qu’as-tu fait de ta jeunesse ? » chante-t-elle par deux fois. Archie Shepp participe à deux titres, Prison et Blues de la prison, probable ou heureux clin d’œil à son Attica Blues. Sa voix comme son saxophone donnent de la profondeur et du poids. Quant à Marion Rampal, avec — c’est son expression propre — sa « langue des cœurs coulés », elle coule des couleurs venues du cœur, souffle des incandescences verrières aux formes de mélodies épurées. Chacun de ses chants est un vitrail qui fait la lumière de sa chapelle autant que son rayonnement vers le monde, du Kennedy Center, où elle chantait pour un hommage à Coltrane, jusqu’à la Mesón, où elle jouera, avec son « cher ami » Pierre-François, le 1er décembre, dans le cadre du Festival Jazz sur la Ville. Car si on ne sait jusqu’où elle ira, Marion Rampal n’a pas oublié d’où elle vient.
Frédéric Marty
Dans les bacs : Le Secret de Marion Rampal et Pierre-François Blanchard (MusicOvations).
Rens. : http://fr.marionrampal.com
En concert le 1/12 à la Mesón (52 rue Consolat, 1er), dans le cadre de Jazz sur la Ville.
Rens. : http://lameson.com
http://jazzsurlaville.fr