Le voyage de Penazar par la Cie L’Entreprise
L’Entreprise prend du bon temps
Les masques ont parfois l’agilité de se faufiler entre les mailles du temps… La preuve avec Le Voyage de Penazar, une épopée solitaire brillamment mise en scène par la Cie L’Entreprise.
Mi-homme, mi-pantin, avec la grâce troublante d’une poupée de boîte à musique, la silhouette à la fois fluide et saugrenue de Penazar nous saisit dans sa danse dès que les lumières s’éteignent. Serviteur parfois gauche, fidèle par-delà les siècles, mystérieux et touchant autant que solitaire, Penazar poursuit une quête insatiable au fil des époques, des civilisations, comme sur « le fleuve de l’humanité ». Catherine Germain a quitté Arletti pour revenir avec l’un des plus anciens spectacles de l’Entreprise, chaussant en virtuose le masque pour nous livrer ce récit, tour à tour gracieuse, fulgurante et fragile. Elle incarne l’épopée tout entière, dans son corps et ses bras, entre les pas de sa danse, dans le souffle de son récit. Dans un espace aussi nu qu’une plage de sable, juste drapé de filets vaporeux qui rappellent les épaisseurs translucides des nuages, Penazar semble renouer avec l’énergie effrontée et candide d’un « tzani » (un serviteur) de commedia dell’arte, comme un lointain cousin asiatique d’Arlequin. Un serviteur en recherche d’un nouveau maître, une âme garante d’une mémoire ancienne qui peine à parvenir jusqu’au présent. Le fantôme pittoresque de Penazar nous replonge sans frayeur — et avec bonheur — dans l’épreuve de la vanité du temps.
Texte : Hannah Devin
Photo : Raynaud De Lage
Le voyage de Penazar par la Cie L’Entreprise : jusqu’au 26/03 à la Cartonnerie (Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e). Rens. 04 95 04 96 06 / www.theatremassalia.com