L’Echange par le Théâtre de Ajmer
Un Echange franco-japonais
Un peu à la manière de Paul Claudel, qui avait écrit plusieurs versions de L’échange, Frank Dimech remonte le texte qu’il avait une première fois proposé en 2003. Un voyage dans l’univers impitoyable de l’Amérique des succès… mais au Japon.
L’œuvre qui en résulte est pour le moins singulière et troublante : de formidables acteurs japonais jouent Louis Laine et Marthe, ce couple presque naïf du fait de sa jeunesse, fougueux mais fragilisé par la perversion de la toute-puissance américaine, par la tentation du Nouveau Monde qui prend les traits de la perfide diva Lechy et du mercantile Thomas Pollock Nageoire. Dans le texte, mais en japonais !
La langue, incompréhensible parce que sans racines communes avec la nôtre, devient un univers sonore qui, grâce à la traduction sporadique de certaines répliques, emmène le spectateur à appréhender l’intrigue de manière sensitive. La corporéité est un élément fort dans l’interprétation des acteurs, véritables virtuoses tout à la fois danseurs et chanteurs. On retrouve des ressorts dramatiques chers au metteur en scène, à commencer par un décor à la fois épuré et signifiant : une petite maison de papier mise à feu, une pluie d’objets — ici de lourdes billes de plomb qui se déversent bruyamment comme autant de pièces d’une machine à sous… Tout un symbole. Si l’on regrette la longueur de la pièce, qui abuse de l’attention de spectateur, on ne pourra que saluer l’audace d’une telle initiative, celle d’une mise en scène — réussie — qui assume jusqu’au bout l’étranger, phénomène trop rare sur les scènes françaises.
Texte : Joanna Selvidès
Photo : Nagare Tanaka
L’Echange par le Théâtre de Ajmer était présenté du 12 au 16/01 à la Friche la Belle de Mai