Le chanteur Ichon, issu du collectif Bon Gamin, est actuellement en tournée pour son album Encore + pour de vrai. À l’occasion de son passage au 6Mic le mois dernier, il nous a présenté son album, sa manière de voir le monde et la chanson, son processus de production et ses projets futurs.
L’un des morceaux de ton précédent EP s’appelle Pour de vrai ; le nom de l’album vient-il de là ?
Je savais, quand je faisais Pour de vrai, la chanson, que c’était un bon titre pour mon prochain album. Je n’avais pas encore lancé la démarche de composition du nouvel album. Je savais que je voulais renouer avec la musique, que je voulais prendre un peu mon temps pour faire le truc, et voilà : je me suis retrouvé à travailler trois ans sur l’album ! J’ai changé plein de choses dans ma vie pendant la composition de l’album : j’ai quitté mon appartement, je suis allé vivre chez mes parents à Montreuil, dans ma chambre d’enfant, j’ai commencé à apprendre un petit peu à chanter, à jouer du piano, et j’ai beaucoup bossé avec un ami qui s’appelle Pierre Adrian, alias Ph Trigano.
Tu as donc conçu la prod’ et les arrangements dans ce même esprit ?
Oui, pour moi, c’est mon premier « vrai » album, et j’ai toujours eu une vision de ce qu’est un album : quand t’es petit, t’as ton CD, tu te dis « Putain, les gars, ils travaillent ! », et du coup, je ne me considérais pas à la hauteur de faire mon album, je savais qu’il fallait que je prenne le temps pour le faire. Ph Trigano est un musicien qui connaît beaucoup de choses, et m’a beaucoup appris. On a pris le temps. J’ai pas mal bougé, à Marseille, puis à Bordeaux pendant six mois, je suis allé à Barcelone pendant six mois également, je me suis pas mal reclus pour me trouver, pour changer, pour arriver aussi à une manière de penser à laquelle j’aspirais. J’étais pas mal influencé par tout ce qu’il fallait faire déjà pour vivre quand t’es un garçon noir qui vient de banlieue, quand tu fais du rap. J’ai pris pas mal de recul, je suis allé voir un psy. Je vais le voir de temps en temps, ça m’a pas mal aidé. Je suis passé par plein de phases, par celle où je ne buvais plus d’alcool, celle où je ne mangeais plus de viande, aussi…
Donc ta création va de l’intérieur vers l’extérieur, si on peut dire ?
Oui, clairement, mon premier dossier de presse écrit par moi-même finissait par « C’est la vie et j’en fais des chansons » ; c’est vraiment comme ça quand je conçois les choses.
Pourquoi Pour de vrai ? Pour la notion d’« authenticité » ?
Il a fallu que je me détache de pas mal de cases dans lesquelles on entre inconsciemment ; au contact des gens, on se fait vite influencer, ne serait-ce que par ses propres parents ! Pour de vrai c’est, par exemple, quand t’es petit, t’es un garçon, si t’aimes le rose, t’es chelou. Pour de vrai, c’est assumer que j’aime le rose et ne pas choisir le bleu par conditionnement. Pour de vrai, c’est vraiment aller au bout de son ressenti personnel, et ça fait des jolies choses ; c’était ce que je voulais faire dans ma propre vie. Le piano, je pensais que c’était impossible que j’en joue. J’ai pris mon temps pour comprendre, et aujourd’hui je ne suis toujours pas un grand pianiste, mais je sais que si je m’y mets je peux le faire. J’ai composé quelques chansons que je réarrange avec des gens, mais j’ai envie de pouvoir être autonome aussi, en fait. Pour de vrai, c’est d’abord ça, c’est l’accomplissement de soi. Je ne savais pas si ça allait plaire, puisqu’on a mélangé pleins d’univers alors que je venais du rap. Je ne savais pas ce que les gens penseraient du fait que je me mette à chanter. Et en fait, le public a totalement compris le message. On est repartis dans Encore + pour de vrai de la même manière ; encore plus fort, même !
Cet album a une vibe positive, avec trois univers marqués : un côté un peu « love », une sorte de monde un peu nébuleux, et un côté plus « funky ». Explique-nous…
C’est assez bien décrit. Il manque encore un autre univers, c’est l’univers du… « dark » (rires). L’univers de « sous-sol », avec les morceaux Liquide et Litanie. Des morceaux presque a capella, où vraiment faut crier, des chansons où tu t’imagines dans la rue, tout seul, il pleut, et tu cries ! En fait, c’est de là que vient le rap, du moins ce que j’en aime, donc j’essaie de faire un mélange de tout ça.
Comment composes-tu, est-ce que certains moments de ta vie t’inspirent ?
Oui, ce sont clairement des moments : ce qui se passe dans le monde, ce qui se passe dans ma vie, ce dont j’ai envie. Si je suis énervé un jour, le lendemain je fais un truc qui casse tout. Si je viens de rencontrer une meuf et que ça se passe bien, là on va faire une chanson d’amour.
Souvent, j’essaye de m’imaginer sur scène, un peu comme un politique, et ça m’aide à exprimer ce que je veux dire.
Quels sont tes projets pour les prochains mois ?
La tournée en cours s’arrête en août. J’aimerais commencer la prochaine par l’Olympia.
On a commencé en novembre, on a plein de dates qui s’ajoutent et j’ai hâte de jouer dans plein de nouvelles villes. C’est le cas en ce moment, je visite de endroits où on n’a pas joué avec Bon Gamin. Là, on est allé dans des villes comme Aix ou Saint-Nazaire. Plus loin, ça me plaît. En parallèle, le prochain album est en cours !
Propos recueillis par Mohammed Boussena
Ichon est à l’affiche du festival Marsatac, qui aura lieu du 10 au 12 juin 2022 à Marseille.
Pour en (sa)voir plus : https://savoirfairecie.com/artists/ichon