Preljocaj ou la lutte contre l’économie de soi et les automatismes du corps et des comportements. La nouvelle création du ballet aixois, Eldorado, s’affirme en ce sens, tendance exacerbée et signifiante, imposant aux danseurs le dépassement même de leur corps…
Preljocaj ou la lutte contre l’économie de soi et les automatismes du corps et des comportements. La nouvelle création du ballet aixois, Eldorado, s’affirme en ce sens, tendance exacerbée et signifiante, imposant aux danseurs le dépassement même de leur corps.
Au Centre Chorégraphique National d’Aix, les répétitions publiques données par le ballet sont l’occasion pour Angelin Preljocaj de dévoiler la genèse et les rouages mêmes de ses créations. Lors de la dernière session, il a présenté Eldorado, sa dernière création : une heure de répétition pour seulement un extrait de quelques minutes qui en dit long sur la perception contemporaine de l’Eldorado. Ni paradisiaque ni candide, c’est davantage l’image d’une oasis peuplée de figures à la limite même de l’humain qui est ici envisagée.
L’origine de ce projet remonte à 2005 et s’articule autour d’une pièce musicale courte (45 minutes) mais dense et spatiale, proposée au chorégraphe par le compositeur allemand Stockhausen. Objectif : « donner corps » littéralement à une musique originale et la laisser contaminer les corps des danseurs, les éprouver. Désarticulation et soumission aux mouvements de cet élément extérieur, ainsi s’opère le travail de déconditionnement du corps et de sa libération des automatismes accumulés, contre lesquels lutte Preljocaj. Mais que reste-t-il alors de ces corps ? Assurément des corps en formation, à la recherche de leur état complet et essentiel, moins paradisiaques que ceux du jardin d’Eden, moins paisibles que ceux qui sont attendus dans l’Eldorado.
Corps contemporains assaillis par la pub, canons esthétiques, perfection des corps… tout ceci ne nous est forcément pas étranger. Pas assez fermes, pas assez jeunes, que nous manque-t-il, alors ? Premier élément de réponse : la cosmétique, qui soigne la beauté et comble ce qui nous manque pour être notre « vrai » nous. C’est désormais l’extérieur qui soigne l’intérieur, et non plus le contraire. C’est dans cette perspective que la plasticienne et styliste Nicole Tran Ba Vang travaille les costumes pour Eldorado, entre la mise à nu de la chair et l’apparence de la peau. Appliquant des vêtements couleur chair sur les danseurs, brouillant ainsi leur réalité, la plasticienne parasite les pistes entre la nudité « vraie » et le vêtement qui corrige discrètement les imperfections ou sa beauté.
Une collaboration synergique pour cette nouvelle création, où tous s’accordent à croire que le corps n’est peut-être qu’une forme, malléable et perméable, en quête perpétuelle de son incarnation, entre mythe originels et monde « extrême contemporain. »
Texte : Leslie Compan
Photo : JC Carbonne
Eldorado précédé de deux pièces Annonciation et Centaures. Du 24 au 26 (et du 10 au 13/07) au Pavillon Noir (Aix-en-Provence). Rens. 04 42 93 48 00