les 30 ans du Moulin
L’Entretien
L’équipe du Moulin
Cette année, le Moulin — la fameuse salle de concerts du quartier Saint-Just — fête ses trente ans. L’occasion de faire le point avec l’équipe sur les périodes compliquées traversées par le lieu, et celles d’une reprise parfois fragile et principalement tournée vers des programmations urbaines.
Comment avez-vous vécu la période virale au Moulin ?
Sans parler de suite de la reprise, sur la période Covid pleine de « stop and go » et de contraintes sanitaires, beaucoup de nos confrères sont partis sur des formats de concerts assis ou distanciés. On y a beaucoup réfléchi. Notre programmation et notre public ne sont pas faits pour l’assis, et on ne voulait pas changer totalement le mode de fonctionnement de notre lieu au prétexte du covid. Finalement, dans la réflexion, on se dit qu’on a bien fait, au vu des nombreux empêchements subis malgré le respect des mesures par certains de nos confrères. Nous sommes un lieu de diffusion, d’abord, mais on a développé nos actions de résidences et d’accompagnement, souvent liées à l’éducation artistique et culturelle (EAC). On s’est sentis à l’aise dans la remise en route du lieu sans public, en axant nos activités sur les collaborations et les partenariats. Avec des artistes différents en résidence toutes les semaines, on a eu une vraie saison active dans les bureaux. Côté accompagnements, par exemple, on a accueilli l’artiste solo Docile et proposé à Marc Lapeyre de FKClub d’intégrer le projet afin de contribuer à son évolution, désormais devenu un binôme. On a également repéré une formation qui s’appelle 97 Alfon$o et qui commence à bien tourner dans le coin. La formation est plus jeune, et on a envie de les accompagner, malgré la reprise de nos activités de diffusion.
Et la reprise des concerts, comment se passe-t-elle ?
Force est de constater que la reprise est difficile, pour nous comme pour d’autres. On sent encore bien les conséquences du covid. On a mesuré le risque sur la première partie de l’année avec une programmation un peu plus légère qu’à notre habitude. À partir de l’automne, les dates vont s’intensifier et revenir à un rythme quasi habituel, en espérant que la situation évolue dans le bon sens. Depuis deux ans, tout demande une grande réflexion afin de bien anticiper ce qu’il se passe. Le public, quand il ne sait plus sur quel pied danser, il arrête de réserver en avance, surtout quand il ne peut pas prévoir la date de report ! Ça se comprend ! Tous secteurs confondus, il y a eu une énorme baisse des fréquentations. Des pertes de 35 à 50 % du public sur les concerts sont beaucoup trop conséquentes pour nos économies, qui amènent un trop grand déficit en fin d’année. En ce moment, le propre de nos activités peut se retourner contre nous ! Le constat pour tous en ce moment, c’est que seules quelques dates exceptionnelles fonctionnent, comme Meute ou Josman qui ont affiché complet.
Avez-vous envie de nous parler de certains artistes programmés prochainement au Moulin ?
On programme actuellement beaucoup d’urbain. Par exemple, on va recevoir Niro et Timal, artistes assez représentatifs de l’actualité musicale nationale. Ils portent l’étendard du mouvement urbain et sont très reconnus respectivement dans leur domaine. Le créneau rap a pris des proportions hallucinantes dans notre pays. Des branches urbaines sont apparues chez les tourneurs. De fait, c’est dans ce créneau qu’on a le plus de propositions désormais, de demandes et d’attentes, et qu’on fait le plus de beurre. Pendant des années, on a été le temple du reggae, on a fait jouer toute la grosse scène jamaïcaine internationale. On regrette de ne plus en programmer que très peu, mais malheureusement on n’est plus rentables dans ce créneau. Marseille est également une ville compliquée, on nous propose moins d’artistes internationaux à cause de l’économie de notre ville : les tourneurs savent qu’à Marseille, on fait moins qu’ailleurs. Quand un artiste a peu de dates en national, il va privilégier les villes qui rapportent le plus d’argent possible.
Vous avez accompagné pendant un an le projet de live cinématographique immersif imaginé par Marc Lapeyre autour du film documentaire Koyaanisqatsi, de Godfrey Reggio, qui sera joué lors d’une date unique le 29, pendant votre soirée « privée » d’anniversaire. Parlez-nous de ce projet.
C’est la première fois en trente ans qu’on accompagne une création qu’on a produite ! Marc, comme nous, connait le Moulin depuis très longtemps et nous y avons tous vu nos meilleurs concerts, tous styles confondus. Dans les années 50, cette salle était un cinéma : le Moulin Rouge ! Et elle est depuis toujours un lieu emblématique. Quand on l’a récupéré, on a voulu sauvegarder ce côté emblématique, justement. Ce que je veux dire, c’est que le bâtiment même est lié au cinéma. Ça a imbriqué dans l’esprit de Marc l’idée de ce projet, d’une version assise en référence au cinéma, d’un besoin d’image et des moments particuliers qu’on voyait arriver avec cette histoire de covid. L’idée de la soirée, c’est de montrer cette créa, de boire des coups et de se retrouver avec nos partenaires et nos proches. On a fixé une jauge de 250 invités triés sur le volet. Ces invités, c’est un circuit de trente années de collaboration.
Propos recueillis par Lucie Ponthieux Bertram
Le Moulin : 47 boulevard Perrin, 13e.
Rens. : lemoulin.org