Mémoire d'eau de Cyrille André © Margot Dewavrin

Les Arts Éphémères – Occurrence

Parc attaque

 

On ne vous envoie pas outre-Atlantique, mais bien à la Maison Blanche, ou plus précisément, dans le parc de la mairie des neuvième et dixième arrondissements de Marseille. La désormais pérenne association des Arts Éphémères vient d’y établir, pour l’occasion, les quartiers de son nouveau cabinet d’œuvres et d’artistes, qui resteront en poste entre ifs et séquoias, visibles tout à fait librement jusqu’au 5 juin.

 

 

Une pierre deux coups pour les Arts Éphémères : une promenade bucolique bien de saison, suivant sieste et pique-nique ; et des visions artistiques conçues in situ, qui saisissent au hasard des allées champêtres. Puisque le thème de cette année a surgi, « Occurrence », préparez-vous à accueillir les inattendues conjectures, comme la rencontre avec une baleine, voguant suspendue entre pins et platanes : la Mémoire d’eau de Cyrille André, dont l’observation nous fait dévier la gravité. Ce sera, étonnamment peut-être, la seule occurrence avec une forme faunique dans la série de cette année. Ce n’est néanmoins pas par dédain pour les vivants et volants de l’environnement, comme le prouve le travail de l’artiste écosophe Pascale Sylva et sa série des Ruches Totem, dont elle nomme l’œuvre ici Et parfois, on se pique aux épines des roses. À Maison Blanche, les abeilles peuvent élire domicile dans des sculptures en céramique aux formes organiques, habitables car percées de petits bourgeons et décorées de pistils, prêtes à recevoir la collaboration cireuse des attendues petites sculptrices d’intérieur.

Les pièces oniriques peuvent aussi frayer avec le surréalisme, comme l’Atlantis, le petit kiosque flottant et fondant d’Aurore-Caroline Marty, dont les roses et violets contrastent efficacement avec les myriades de nuances vertes reflétées dans le lac.

Les effets d’optique sont aussi de la garden party, à voir notamment la fascinante série d’Éclipses cuivrées de Lyse Fournier, qui varie d’une exposition (solaire) à l’autre ; ou le morceau démantelé de pièce Kawasaki, vert gazon artificiel, le Love like a Sunset de Léo Fourdrinier. Auréolé d’un quart de lune miroitant tantôt le décor verdoyant, tantôt les passants promenant, la présence de cette esthétique mécanique et carrossière amène bien à propos l’idée d’un monde naturel devenu très aménagé, tel un jardin aux haies bien taillées, dans lequel nous pouvons enfin reconnaître nos humaines pattes, guidées par nos humaines esthétiques. Faisant lien, du côté mécanique clinquante, on peut aussi poser devant la saisissante Lamborghini de Rudy Dumas, Salem. Sa spécificité, c’est qu’elle est faite de bois récupérés. Couleurs harmonieuses, forme détonante. Edwin Cuervo apporte quant à lui son grain dans le paysage défiguré, terrassé par les engins. Enfin… son grain bien monumental. Au milieu de toute cette chlorophylle, il nous relève l’atmosphère des minéraux rougis, noircis et bleuis d’une carrière non loin d’ici.

Ce sont aussi d’autres œuvres diverses et connexes qui habitent le parc pour ces quelques semaines. Elles se répondent et nous guident les unes vers les autres, nous laissant totale la liberté de circulation au sens propre comme au figuré.
L’agréable occasion d’aller s’aérer les géographies.

 

Margot Dewavrin

 

 

Les Arts Éphémères – Occurrence : jusqu’au 5/06 au Parc de Maison Blanche (150 Boulevard Paul Claudel, 9e).

Rens. : https://arts-ephemeres.fr