Les Bonnes par la Cie l’Egrégore au Théâtre de Lenche

Les Bonnes par la Cie l’Egrégore au Théâtre de Lenche

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Lenche gardien

Au Théâtre de Lenche, Ivan Romeuf aborde Les Bonnes de Jean Genet avec un plaisir, une gourmandise et une passion des mots qu’il a bien voulu partager avec nous.

« Je crois que ce qui me rattache à cette pièce, c’est l’ensemble de la littérature. Mon problème, c’est d’avoir envie de monter toutes les pièces, je ne pourrai jamais le faire. Et mon regret, c’est de ne pas avoir monté celle-là il y a vingt ans, comme ça j’aurais eu le plaisir de la remonter aujourd’hui… Enfin, je l’aurai dans vingt ans. » Comme en témoignent ces propos, Ivan Romeuf se montre à la fois dans le présent, le réel, tout en se projetant dans des passés ou futurs putatifs, sacralisant un texte pour mieux le désacraliser dès la phrase d’après. En cela, il est tout à fait dans le ton de la pièce de Jean Genet, qui joue de la multiplicité des êtres et de leurs différentes dimensions, de leurs contradictions. Il avoue travailler ce texte dans l’idée de « démasquer un peu l’auteur — j’ai bien dit “un peu” ! — car il est tout entier ancré dans son écriture ; on y trouve le reproche de l’abandon, la haine de l’humanité, la blessure intérieure terrible. Il y est, mais masqué. (…) Les personnages passent en une fraction de seconde de l’abattement profond à l’idée, la possibilité d’une violence extrême, aussi travaillons-nous sur cette ambiguïté en nous interdisant de jouer quelque forme de folie que ce soit, ce qui serait quelque part trop facile, trop rassurant. » Aussi passionné que passionnant, le metteur en scène et comédien à la tête de l’Egrégore évoque par ailleurs son envie de monter un spectacle de douze heures en réaction aux tentations — pour ne pas dire tentatives — de formatage. Il parle aussi de ciné-club, de l’importance accordée à la culture populaire, de la volonté de garder le théâtre et la réflexion dans le champ du procédé politique en tant que choix de vie ou encore de sa Lettre à un ami qui ne vient plus au théâtre (édito du programme de saison). Il cite aussi Jean Vilar, revenant de ce qui était alors l’U.R.S.S. : « Là-bas, il y a des moyens et une censure ; ici, je suis libre, mais je n’ai aucun moyen. » Des propos qui éclairent quelque peu son sentiment face à Marseille Provence 2013 : « On travaille sur une base de réciprocité : je ne les intéresse pas, ils ne m’intéressent pas non plus et les spectacles seront labellisés “Ne fait pas partie de la programmation MP 2013”. »

Texte : Frédéric Marty
Photo : Joe?lle Bover

Les Bonnes par la Cie l’Egrégore : jusqu’au 28/10 au Théâtre de Lenche (4 Place Lenche, 2e). Rens. 04 91 91 52 22 / www.theatredelenche.info