Les chansons d'amour – (France – 1h40) de Christophe Honoré avec Louis Garrel Clotilde Hesme, Ludivine Sagnier, Chiara Mastroianni…
La comédie musicale est un genre à part, un exercice vraiment très périlleux où l’on compte, pour quelques « chefs-d’œuvre », beaucoup de films navrants. De l’audace, et surtout du talent…
Les chants magnétiques
La comédie musicale est un genre à part, un exercice vraiment très périlleux où l’on compte, pour quelques « chefs-d’œuvre », beaucoup de films navrants. De l’audace, et surtout du talent, il en faut pour se lancer aujourd’hui dans ce type de projet, à tel point qu’on croyait ce style appartenir à une époque révolue. On connaissait déjà l’admiration de Christophe Honoré pour le grand Jacques Demy, mais on ne se doutait pas jusque-là que le jeune réalisateur pouvait rivaliser d’inventivité avec son glorieux aîné. Autant l’affirmer clairement : Les chansons d’amour est un film exceptionnel, un véritable choc esthétique. Les images sont sublimes : rarement Paris n’avait été filmé avec autant de grâce et de justesse, un Paris d’hiver, nocturne et populaire, fait de brume et de gel, d’épiciers et de passants… Dès les premiers plans, on est véritablement « dans » le film. L’amour, au cœur d’icelui, est ici protéiforme : vie de couple, ménage à trois, homosexualité, affection familiale… la palette est large et ne sent jamais le déballage vain. Les dialogues, en forme de pirouettes verbales, sont vifs, et les chansons d’Alex Beaupain, auteur-compositeur du film, se fondent parfaitement dans ce récit enjoué. On y chante l’amour et le sexe, le tout avec une légèreté et une spontanéité contagieuses jusqu’à ce que le deuil assombrisse le tableau et fasse entrer le film dans une sorte de « tragédie musicale ». Les images se figent alors ; des photos se succèdent, retraçant les dernières heures de la personne aimée, et la musique ne sera plus tout à fait la même : désormais les personnages cèderont au désespoir de leur propre chanson, à la sempiternelle évidence de ces mots touchant le baiser et l’amour perdus. Avec une puissance émotionnelle rare, le film nous fait ainsi passer de la pure insouciance à la plus triste des réalités. Porté par le jeu irréprochable de ses acteurs — tous excellents — avec une mention spéciale pour Louis Garrel qui nous offre ici le meilleur de lui-même, Les chansons d’amour est plus qu’un hommage réussi à la Nouvelle Vague et à Jacques Demy. D’une beauté étourdissante, ce film est un véritable chant de poésie fugitive.
nas/im