Les diablogues au Théâtre du Jeu de Paume
Dialogues de sourds
En adaptant Les diablogues de Roland Dubillard, Anne Bourgeois livre pendant une heure vingt un joyeux spectacle où la raison se fait absurde.
Le rideau s’ouvre sur un ciel étoilé. Deux hommes — François Morel et Jacques Gamblin — se tiennent l’un à l’autre. Ils doivent absolument sauter. Ne vous demandez surtout pas pourquoi, ici rien n’aura le sens habituel, toute interrogation deviendra inutile. « Si vous attendez que je plonge pour plonger, moi j’appelle pas ça plonger ensemble. » Et de se mettre d’accord pour plonger sur le « o » du mot. « Vous feriez mieux de plonger dedans », réplique l’un, – Quoi dedans ?, – Dans l’eau. »
L’un compose une musique « de placard » et ne peut répéter que dans ces conditions. Une musique de chambre aurait certes été plus facile à élaborer, mais sa femme l’y trouverait : de quoi finir sur le palier quand on connaît l’animosité qu’elle porte aux deux hommes. L’autre essaie de définir la montagne, qu’il compare d’abord à un tas de baleines, avant d’évoquer des limandes montant, grâce à leurs dents, le long des pentes. Si vous vous demandez comment faire remonter des gouttes quand vous les avez mal comptées ou si Beethoven était bien sourd des deux oreilles, Les diablogues pourraient enfin vous donner les réponses. Encore faudrait-il ne pas avoir joué au ping-pong depuis au moins cinq ans ou avoir pu décider quelle main, entre celle-ci ou celle-là, jouera finalement le do du clavier. D’autant qu’il y a plusieurs do. Ce qui n’est pas le cas dans ce spectacle, unique par sa qualité d’écriture et d’interprétation.
Marie Dufour
Jusqu’au 15/03 au Théâtre du Jeu de Paume (Aix-en-Provence). Rens. 08 20 82 09 30