Les dix ans de la revue La pensée de midi
Le nouveau millénaire en revue
Voilà dix ans que la précieuse revue La pensée de midi explore le monde (des idées et de la création) et l’enrichit en offrant un espace de libre expression aux écrivains et intellectuels des deux rives de la Méditerranée. Bon anniversaire !
« L’alliance du gai savoir et du goût de la vie » : aucune formule ne résume aussi bien l’esprit de La pensée de midi. La revue littéraire et de débats d’idées fondée en 2000 par plusieurs intellectuels et écrivains de la Méditerranée (Thierry Fabre, Jean-Claude Izzo, Bernard Millet…) a repris à son compte l’image de Camus : « la pensée de midi » est une façon de penser la mesure dans la démesure, de tracer des limites face aux totalitarismes, de créer un alliage entre l’apollinien (1) et le dionysiaque. Evidemment, le nom de la revue dirigée par l’essayiste Thierry Fabre (également fondateur des Rencontres d’Averroès) fait aussi référence à la Méditerranée et à son pourtour, dont l’étendue et la richesse des cultures sont encore à explorer. Une tâche qu’accomplit parfaitement La pensée de midi au rythme de trois publications par an, coéditées par la maison arlésienne Actes Sud. Ce « lieu d’expression et de prise de paroles pour des acteurs de la Méditerranée » est organisé en collections (« Portraits de ville », « Littérature et création », « Débats d’idées », « Politique et société ») afin de refléter toute la diversité du monde méditerranéen et des pensées qui s’y agitent.
Chaque numéro comporte deux parties : un dossier, coordonné par un ou plusieurs membre(s) du comité de rédaction et réunissant divers textes (essais, nouvelles, fictions, récits, textes historiques, sociologiques…) autour d’un même sujet, et des rubriques, ce qui en fait une revue à part entière, contrairement à ce que la forme de l’ouvrage pourrait laisser penser.
Qu’il s’agisse pour Hubert Nyssen (créateur d’Actes Sud) de commenter subjectivement l’actualité ou pour Mayalen Zubillaga d’expliquer pourquoi elle aime les épluchures, lesdites rubriques embrassent tous les champs de la création et de la pensée, de l’histoire à la philosophie, de la littérature au cinéma, de la musique aux arts plastiques.
Pour célébrer les dix ans de la revue — qui coïncident avec le cinquantenaire de la disparition d’Albert Camus —, le comité de rédaction publie un numéro qui lui ressemble : hors des sentiers battus. Plutôt que de se focaliser sur l’espace (méditerranéen), on prend pour base commune le temps, symbolisé par un jour, fixé au hasard du calendrier : le 20 janvier. Onze écrivains se sont prêtés au jeu et racontent ce jour, chacun à son rythme et suivant son imaginaire, avec humour ou nostalgie, intensité ou sobriété. En guise de ponctuation, Renaud Ego s’est fendu de quelques « histoiriettes » (pour reprendre un néologisme inventé par le romancier João Guimarães Rosa), textes insolites rédigés à partir de faits-divers ou d’actualités parus un 20 janvier. Les rubriques sont au diapason de ce numéro spécial, traitant de thèmes, de mouvements créatifs ou d’ouvrages ayant marqué la décennie, avec en point d’orgue plusieurs textes relatifs au terrorisme. Car pour beaucoup, les années 2000 ont commencé avec ce onze septembre de triste mémoire. Gageons que La pensée de midi saura écrire de bien plus belles pages pour ce nouveau millénaire qui commence à peine.
CC
La pensée de midi : 142 La Canebière, 1er. Rens. 04 96 12 43 19 / www.lapenseedemidi.org
Lancement du N°31 – Histoires d’un 20 janvier : le 1/07 à l’Alcazar.
Nil Deniz & Thierry Fabre (Coordination)
Istanbul, Ville Monde (La Pensée du Midi/Actes Sud,)
Que savons-nous d’Istanbul, métropole si lointaine à la frontière entre Orient et Occident ? Pour Nil Deniz et Thierry Fabre, c’est une ville-aimant aux contours flous, qui a plus d’un tour dans son sac pour nous inviter à la rencontrer. C’est à cette entreprise que s’attelle Istanbul, Ville Monde. L’approche est ici résolument contemporaine, alimentée par une vingtaine d’experts, artistes et essayistes passionnés. Capitale européenne de la culture en 2010 et principale ville d’un pays ouvertement candidat à l’entrée dans l’Union Européenne, Istanbul est un foisonnement de personnes (près de 15 millions), de monuments historiques religieux, de musiques, et de spécialités culinaires en tout genre, tel ce balik-ekmek, sorte de sandwich au pain grillé. Mais elle est aussi caractérisée par un cosmopolitisme méfiant car encore nourri de relents nationalistes et par un retour bien tardif de la femme sur le devant de la scène. Cet ouvrage constitue donc une riche lecture, préalable à tout voyage sur place, et une incitation à la redéfinition de son avenir par ses habitants, les Stambouliotes.
Guillaume Arias
Le livre échange
Dans le cadre du projet de revitalisation de la célèbre artère se tient le deuxième Festival du Livre de la Canebière, sous le titre des « Accents de la mer » et en hommage à feue Zarafa…
C’est en effet lors de la première édition du Festival que Zarafa vit le jour, girafe totem, surprenante et enchanteresse apparition parmi les arbres du square Léon Blum, borne d’échange, symbole de ce savoir qui doit permettre de prendre un peu de hauteur. Elle est partie en fumée — mauvaise limonade — récemment, mais renaîtra de ses cendres, tel le Phénix (bonne limonade) sous la forme d’une sirène, pour trouver de la profondeur. Dans le cadre du Festival, elle sera cependant au centre d’un débat, occasion pour les plus heurtés d’entre nous de montrer à quel point ils sont sensibles. En espérant qu’ils ne prêtent pas à cet acte et à ses auteurs — fussent-ils anonymes ! — plus d’intentions qu’ils n’en ont et à cet évènement plus de sens qu’il n’en a. L’Olympique de Marseille a annoncé participer au financement de la « reconstruction ». Souhaitons que ce soit à hauteur de ses moyens et des besoins, suggérons-leur de mener une opération de sensibilisation et de communication auprès de leurs abonnés et laissons de côté les dictatures et leurs heures sombres, c’est tout à fait hors de propos. La seule dictature qui se soit manifestée là est — éventuellement — celle de la misère ou tout au moins d’une de ses formes… Et combat-on le feu par le feu ?
Cela dit et mis à part, le Festival du Livre a la bonne idée d’être un festival de mots, vecteurs d’apprentissages et facteurs d’échanges, de rencontres. En effet sont proposés des ateliers d’écriture, tant pour enfants que pour adultes, un concours de nouvelles, des rencontres avec des auteurs, des éditeurs, des libraires… et même des lecteurs. La musique, le chant, la danse la photographie et le cinéma seront présents, des lectures seront données. Des invitations aux voyages, à l’échange, au pique-nique seront lancées pendant trois jours avec le but de toucher, à plus d’un sens, un maximum d’entre nous. Et quand Gide disait « Jette ce livre Nathanaël », c’était une image… Vous pouvez tout aussi bien l’échanger ou le donner, des bornes de trocs étant prévues à cet effet.
Frédéric Marty
Festival du Livre de la Canebière : du 11 au 13/06 sur la Canebière.
Rens. http://flc2010.over-blog.com/
- L’apollinien renvoie, au contraire du dionysiaque, à ce qui est caractérisé par l’ordre, la mesure, la maîtrise de soi.[↩]