- • La vida loca (France/Mexique – 1h30) de Christian Poveda
Christian Poveda signe un film en form–e de caveau funéraire, d’où se dégage toute la violence, la noirceur, les tentatives d’espoir avortées. La vida loca vous assène ses uppercuts sociaux, humains, voire cinématographiques, avec une maîtrise rare du hors champ. Dans cette guerre des gangs sud-américaine, la violence couvre l’espace filmé, jusqu’à l’espace fantasmé, sans échappatoire ni fuite possible. Le décès du cinéaste, rattrapé par son œuvre, devient une composante de la narration, hantant chaque plan, chaque corps en sursis.
• Le ruban blanc (Autriche/Allemagne – 2h24) de Michael Haneke
Une nouvelle fois, le cinéaste autrichien nous transporte au cœur d’un conte moderne, observé et narré avec la plus radicale exigence, frisant comme à l’accoutumée la geste chirurgicale, exempte de tout subterfuge narratif émotionnel. Chez Haneke, la violence est sourde. Le spectateur est invité à cette expérience, parfois du bout des lèvres, d’un cinéaste / scientifique en quête des causes et origines de l’abomination contemporaine, segments d’une société en devenir, dans son observation la plus organique possible, cellule par cellule.
• La République Marseille (France – 6h) de Denis Gheerbrant
L’arpenteur Denis Gheerbrant a conduit une caméra en errance, au cœur de l’une des villes les plus passionnantes qui soient : Marseille. Au final, sept films, six heures de rencontres, de déambulations urbaines, de regards croisés, d’invitations. Une œuvre sublime dont le temps est l’orchestre, un temps dilué puis rassemblé, ciment d’un cinéma qui privilégie la parole, l’attente, le regard, les liens de l’humain à l’urbain. Le cinéaste offre à la cité, la chose publique, un écrin cinématographique hors norme, inépuisable autant qu’universel.
• Tokyo Sonata (Japon – 1h59) de Kurosawa Kyoshi
La famille, le travail, l’école, la société… A l’instar des 400 Coups, qu’il cite maintes fois, Tokyo Sonata parle des institutions et de la façon dont elles enferment l’individu. Et comme dans le film de Truffaut, l’océan (le départ vers l’inconnu) y représente une fausse alternative — la fuite. Mais le film de Kurosawa Kyoshi résout l’équation en remettant les personnages face à leurs désirs et en les forçant à communiquer. Il nous a captés par l’émotion, mais on le revoit toujours avec plaisir pour sa profondeur intellectuelle et sa richesse esthétique.
• La danse, le ballet de l’Opéra de Paris (France – 2h38) de Frederick Wiseman
Frederick Wiseman s’est penché sur le ballet de l’Opéra de Paris avec cette même exigence qui traverse chacune de ses œuvres : une caméra au plus intime, exempte de voix-off, qui prend le temps, denrée rare dans le maelström d’images actuelles. Les personnages ne sont jamais cités, seuls comptent ces menus liens tissés entre les êtres. Les corps deviennent le sujet de la passation, de l’héritage, de la tradition, du rapport au réel, et au-delà son rapport au monde. Les films du documentariste frisent toujours l’universel, et La danse n’en est qu’un nouveau point d’orgue.
• Un prophète (France – 2h35) de Jacques Audiard
Sans surprise, on retrouve en tête de notre best-of 2009 l’excellent dernier opus de Jacques Audiard. Parfaitement maîtrisé dans sa construction, joué à la perfection, le film laissera sans aucun doute une trace indélébile dans l’histoire du cinéma français de genre. Un cinéma intense, physique, qui impressionne autant qu’il effraie, et qui réussit l’exploit de rallier critique et grand public. Après De battre mon cœur s’est arrêté, Audiard poursuit son ascension vers les sommets de la production hexagonale.
• The Wrestler (USA – 1h45) de Darren Aronofsky
Après l’affligeant The Fountain, Darren Aronofsky se rachète une crédibilité avec ce surprenant film, à la fois sensible et sauvage, qui retrace les affres d’une idole du catch déchue. Il a trouvé en Mickey Rourke un acteur parfait, un corps malléable, une matière de cinéma sombre et profonde. Derrière les muscles, le sang et l’action, The Wrestler sonde la nature du spectacle et la mise en scène du faux : nous sommes ici au cœur du cinéma. L’ange blond saigne, sa blessure sera notre guérison.
• J’ai tué ma mère (Canada – 1h40) de Xavier Dolan
Du haut de ses vingt ans, Xavier Dolan étale avec aisance un joli sens du récit, de l’humour et du contre-pied. Malgré quelques tics arty, le jeune Canadien aux faux airs de Morrissey réussit à être aussi bon derrière que devant la caméra, ses préoccupations homo-dépressives s’avérant drôles, touchantes et justes. Quelle maturité pour un post-adolescent qui réalise son premier film ! Avec son titre choc et faussement oedipien, J’ai tué ma mère restera certainement La révélation de cette année 2009.
• District 9 (Nouvelle-Zélande – 1h50) de Neill Blomkamp
Faux documentaire mais véritable OFNI (objet filmique non identifié) intelligent et lucide, District 9 s’impose comme un pamphlet appuyé sur les racismes (blancs, noirs, aliens…) et la pourriture humaine. Et si le film a les qualités de ses défauts et les défauts de ses qualités, la réalisation de Neill Blonkamp, nerveuse et brillamment adaptée à son propos, amène le spectateur à se (re)positionner pour prendre part aux débats lancés par l’auteur. Qui a dit que la SF était un genre mineur de peu d’ambition ?
• Inglorious Basterds (USA/Allemagne – 2h33) de Quentin Tarantino
Tarantino jouit d’une liberté créative grandissante et hors norme. Fruit d’un amalgame de tous les genres de cinémas possibles et d’un imaginaire personnel débridé, son cinéma prend des directions à chaque fois plus inattendues. Et si on retrouve dans cette fable sur l’époque nazie les incontournables marques de fabrique tarantinesques (dialogues interminables, etc.), elles intègrent cette fois-ci une mécanique impeccablement huilée, qui fait d’Inglorious Basterds son meilleur film. Magistral.