Souviens-toi l’été dernier
Pendant que Mickael Jackson n’en finissait plus de mourir, que le Petit Nicolas affolait la presse française avec un pauvre malaise vagal et que l’on frissonnait déjà en attendant l’épidémie cochonne, votre journal, altruiste et exigeant, a enfermé deux mois durant ses journalistes dans des salles obscures. Tour d’horizon pas du tout exhaustif et complètement subjectif.
Première sensation de ce début d’été 2009 : Story of Jen, ou l’occasion de retrouver la sublime Marina Hands perdue de vue depuis Lady Chaterley. Le Canadien François Rotger nous propose là un film primitif, brut et juste, où se révèle une prometteuse actrice encore adolescente, Laurence Lebouef. Autre adolescent canadien qui s’est révélé cet été, Xavier Dolan réussit à être aussi bon derrière que devant la caméra. Du haut de ses vingt ans, il étale avec aisance un joli sens du récit et du contre-pied. Malgré quelques tics arty, J’ai tué ma mère restera une des révélations de l’année. Loin des préoccupations homo-dépressives de Xavier « Morrissey » Dolan, mais toujours au rayon jeunesse, Claudia Llosa nous a posté depuis le Pérou le très sensible Fausta, ou l’histoire d’une adolescente qui s’introduit une pomme de terre dans le vagin pour ne pas se faire violer. Tout un programme…
Bien plus léger, Emmanuel Mouret s’est aventuré en terrain burlesque avec Fais-moi plaisir, ou le croisement improbable de Rohmer et de Buster Keaton. Ce faisant, le Marseillais a été l’un des rares réalisateurs à avoir libéré les zygomatiques de nos chroniqueurs cet été. Woody Allen ne peut pas en dire autant… Très bavard, rarement drôle — hormis un suicide raté et un gag autour de la cinquième symphonie de Beethoven — souvent ennuyeux, Whatever Works, même pas sauvé par le grand Larry David, déçoit dans sa proposition utopique de réconcilier bobos new-yorkais et républicains coincés.
S’il offre un terrain de jeu jouissif au personnage de l’audacieux (pour ne pas dire inconscient) Sacha Baron Cohen, le Brüno de Larry Charles ne parvient pas quant à lui à tenir les promesses de Borat, divisant la rédaction, à l’instar du dernier Soderbergh. Film « mineur » réservé exclusivement aux majeurs, The Girlfriend Experience, vrai-faux docu sur le quotidien d’une call-girl (dés)incarnée par la starlette porno US du moment (Sasha Grey), propose un étonnant parallèle entre le train de vie d’une pute de luxe et le déraillement des hommes en proie aux affres de la crise financière. Soigné et lucide pour les uns, inconséquent pour les autres, le film ne fait pas l’unanimité. Tout comme le dernier Tarantino, qui revisite à sa sauce la seconde guerre mondiale et n’offre en fin de compte que deux motifs de satisfaction : l’énorme Christoph Waltz, qui aura bien mérité sa palme cannoise de meilleur acteur, et Brad Pitt, irrésistiblement cabot en « scalpeur » de nazis.
Finalement, la bonne surprise estivale au rayon légèreté nous sera venue d’I love you, man. Dans la lignée des buddies movies « intellos » de Judd Apatow, John Hamburg s’est fendu d’un petit miracle drolatique autour d’un homme « sensible » bien décidé à se convertir à l’amitié « virile » avec un illustre inconnu. Couillon et émouvant, ILYM se termine sur une des plus belles déclarations d’amitié vues récemment au cinéma. We love you, men !
On aime aussi Elia Souleimane, qui avait apporté un peu d’humanité au cœur des paillettes cannoises. Il confirme avec Le temps qu’il reste sa virtuosité narrative, et approfondit son personnage lunaire, en pleine exploration autobiographique, au cœur de quatre décennies de conflit israélo-palestinien. Un régal.
Côté français, le bilan s’avère mitigé. Si Françoise Huguier, dont on avait découvert les photographies lors d’une précédente édition des Rencontres d’Arles, réussit son passage au format long-métrage avec Komunalka, Alain Guiraudie et les frères Larrieu peinent à convaincre malgré des idées originales. Dans Le roi de l’évasion du premier, il est question d’amour, de branlettes et de terroir, bref un cocktail étonnant auquel le cinéma français ne nous avait guère habitué. Intéressant, mais pas jouissif. Les Larrieu creusent également une voie plutôt originale dans le paysage hexagonal avec Les derniers jours du monde, une sorte de science-fiction d’auteur à la française qui fourmille de bonnes idées, mais finit par s’effondrer sous une surcharge narrative évidente. At last but not least, si ce n’est déjà fait, il est encore temps de vous précipiter pour voir le très beau, le très attendu, le très acclamé Un prophète de Jacques Audiard. Parfaitement maîtrisé dans sa construction, joué à la perfection, le film laissera sans aucun doute une trace indélébile dans l’histoire du cinéma français « d’action ».
HS/EV/Nas/im/CC