Les larmes rentre?es © Joris Lacoste

Les Larmes rentrées par la Cie Soleil Vert à Klap

Double je(u)

 

Avec Les Larmes rentrées, Laurent de Richemond s’attaque, malgré son nom à particule, à la bourgeoisie… de nos comportements. En véritable aristocrate romantique du verbe, il utilise les mots de Fritz Zorn et son cancer pour gifler la bienséance sociale.

Créée par l’acteur/metteur en scène Laurent de Richemond en 2006, la compagnie Soleil Vert place toujours la parole à la lisière des pratiques. Assumant pleinement la pratique du bavardage, faisant de la logorrhée ininterrompue le postulat fondateur de toutes ses créations, le metteur en scène marseillais réunit une équipe de chorégraphes, comédiens et vidéastes autour d’une table, et plus précisément à côté et en dessous.
A partir de Mars, dans lequel Fritz Zorn parle de son incapacité à aimer, faisant de son cancer une métaphore filée de son dégoût des hommes, Laurent de Richemond met en scène Les Larmes rentrées, soit un banquet misanthrope où il s’attable avec deux femmes enceintes, des invitées qu’il ignorera superbement, tout absorbé par son ego. En même temps, deux corps, homme et femme, se meuvent à leurs pieds, incarnations possibles des fantasmagories libres des spectateurs. Car de cette double exposition naît une double temporalité, qui veut dérouter la conscience du spectateur. Tout semble double dans les intentions de ce spectacle — double rôle de femmes, double de l’amour, double scène — pour l’agent double, « celui qui parle », ici incarné par… le metteur en scène lui-même. Artiste en lutte s’il en est, mais loin de se limiter à l’ancrage dans la lutte des classes, notre homme veut s’attaquer au mensonge de nos petites (doubles ?) vies. Avec une curiosité non feinte, nous attendons donc la prochaine semaine pour en éprouver les effets annoncés. Entre jouissance et décadence…

Joanna Selvidès

Les Larmes rentrées par la Cie Soleil Vert : du 20 au 24/11 à Klap, Maison pour la danse (5 avenue Rostand, 3e).