La marquise Casati de Man Ray

Les lieux de la photographie à Marseille

Y’a pas photo ?

 

Une phrase entendue lors de l’accrochage d’une expo nous est restée en mémoire : « Il n’y a pas de véritable place pour la photo à Marseille ». Vraiment ? Nous avons interrogé photographes et passionnés pour tenter un état des lieux, à l’heure où les Rencontres d’Arles battent leur plein.

 

 

Sans les classer ou les ordonner, tentons d’en recenser quelques uns parmi les plus cités.

Maupetit Côté Galerie est apprécié pour l’amplitude de ses horaires et la programmation de Damien Bouticourt, qui mêle artistes reconnus ou pas. Si l’espace s’est rétréci en accueillant désormais les livres d’art, il reste vaste et le rapprochement livres/galerie incite un plus large public à découvrir les expos.

Le Pangolin, créé par Édith Laplane et Michaël Serfaty, est propice aux échanges et aux rencontres. On entre par goût de la photo dans ce lieu chaleureux et on y revient. Tout comme au Garage Photographie, où les masterclass que propose William Guidarini embarquent chaque année de nouveaux amateurs ou artistes confirmés.

Beaucoup de photographes qui confient leurs tirages à Nicolas Strobbel de Rétine Argentique aimeraient que reprennent les expos dans ce coin cosy de la rue d’Italie.

Entre photo et poésie, édition et galerie, Zoème, lieu tenu par Soraya Amrane et Rafaèl Garido, a ses fidèles. Si les expos y sont à l’étroit, le public qui se presse aux rencontres déborde souvent sur la rue Vian.

À l’inverse, le bel espace du Centre Photographique Marseille, seul lieu institutionnel de la ville dédié à la photo, est surtout fréquenté lors des vernissages. À quelques mètres de là, les expos de l’Espace GT (attenant au restaurant MundArt) organisées par Antje Poppinga accueillent occasionnellement de la photographie.

Sont cités aussi l’Atelier de la Photo de Michel Garofano, Fermé le lundi, lieu de création et d’expo de Roxane Daumas et Olivier Monge, Territoires partagés, la galerie Zemma, le studio 7.6 ou la Maison pour Tous du Panier, où un labo argentique est à la disposition des usagers. Ainsi que l’immense espace de Marseille 3013, investi régulièrement par Café Photo Marseille. Si de nouveaux lieux apparaissent comme Faces Galerie à Endoume ou Rafale rue Pastoret, d’autres manquent comme le regretté Bistrographe.

La bibliothèque de l’Alcazar propose des expos photos très documentées tandis que depuis six ans, le photojournalisme s’expose sur les grilles du Palais de la Bourse et que de plus en plus d’expos, comme Bords de mer, investissent l’espace urbain, s’offrant ainsi au plus grand nombre. On ne peut que s’en réjouir !

Et puis il y a les musées et les espaces culturels qui accrochent ponctuellement de la photo, comme la Friche La Belle de Mai, le Mucem, ou encore Regards de Provence, qui mêle volontiers photographie et peinture. On peut également citer, dans une vision plutôt historique, le Mémorial des Déportations, le Musée d’Histoire (avec bientôt une partie du fond Detaille) ou, pour les plus jeunes, le Préau des Accoules. À la Vieille Charité, la série Flux d’Éric Bourret, invité d’honneur du Festival Photo Marseille en 2021, occupait l’espace de façon spectaculaire. On en redemande !

Qui sait que le Musée Cantini, plutôt connu pour la peinture, fut précurseur en matière de photographie ? En 1968 y fut organisé un concours photo avec un jury de quatre éminents photographes : Doisneau, Sudre, Clergue et Brillat. Les œuvres lauréates de Jean-Claude Gautrand constituèrent le début d’un fonds photographique qui n’a cessé depuis de s’enrichir. Sous le titre L’(Œil) objectif, Photographies des collections de la modernité des années 30 aux années 2000, une partie de ce fonds, avec des œuvres du Mac et du Frac Sud, sera exposée dès le 5 juillet. Il était temps. Nos musées sont pleins de trésors dont nous ne connaissons malheureusement qu’une infime partie. Certains pensent que la proximité d’Arles fait de l’ombre à Marseille. On pourrait dire au contraire que les Rencontres s’élargissant à la cité phocéenne boostent certains projets comme celui de montrer enfin le fonds photographique qui s’était endormi au Musée Cantini.

Et bien sûr se pose la question incontournable de la rémunération des artistes. La loi oblige depuis peu les lieux d’exposition à rétribuer les photographes, mais combien le sont-ils vraiment ? Le Zef, qui a ouvert ses murs à la photo sous la direction de Yohanne Lamoulère, a fait ce choix, couplé à celui d’un temps long des expositions. C’est suffisamment rare pour être signalé.

Enfin, le Festival Photo Marseille, créé par Christophe Asso il y a treize ans, est désormais bien implanté. Ni ombre, ni concurrence, c’est comme si Marseille prolongeait les Rencontres d’Arles d’octobre à décembre, investissant plus de vingt lieux. Belle réussite ! Et pourtant, son équilibre reste précaire et dépendant des subventions.

Alors, plutôt que d’un haut lieu dédié à la photo, ne vaut-il pas mieux que les espaces existants soient mixtes ou partagés et que les moyens profitent à tous ? Les initiatives foisonnent, mais pour que la photo ait plus de place encore à Marseille, il s’agit avant tout de programmation et de volonté politique.

 

Aline Memmi

 

L’(Œil) objectif : du 5/07 au 3/11 au Musée Cantini (19 rue Grignan, 1er).

Rens. : musee-cantini.marseille.fr