Les Nuits de Clôture de Chroniques, Biennale des Imaginaires Numériques
Multiprismes
Bouquet final du feu qu’a allumé Chroniques, la Biennale des Imaginaires Numériques, à Marseille, Aix-en-Provence et jusqu’à Avignon, le week-end qui s’amène cumule les artifices pour nous immerger une bonne fois dans ses expériences multi-sensorielles, sonnant les derniers jours des multiples expositions. Tout particulièrement, cette clôture sera vivante, avec des spectacles immersifs qui convoquent danse et musique, au croisement de démonstrations technologiques.
À Avignon, le Grenier à Sel abritera un dispositif où le public se trouve immergé dans sa propre imagination, grâce à une machination interactive, Live Dream (les 18 et 21/01). L’installation mêle l’approche technologique de Justine Emard, artiste qui touche aux neurosciences, à la réalité virtuelle et à l’intelligence artificielle, à celle de Jean-Emmanuel Rosnet, artiste sonore spécialisé dans les nappes, bercé par la « concrète » et animateur De bruits et d’ondes, l’émission consacrée à la musique ambient d’une très bonne référence dans l’électronique française, Lyl Radio. Avec cette expérimentation « cerveau-machine » en sons et lumières, on s’attend à un transport qui vaut le détour.
À Aix-en-Provence — outre la présence des maestri italien·nes de l’électro au 6mic (voir p. 8) — un Second Body de la compagnie Anarchy Dance Theatre habitera le Pavillon Noir (les 19 et 20/01). Son fondateur, le Taïwanais Chieh-hua Hsieh, est le chorégraphe de cette performance à une interprète. Le solo ne s’annonce pas minimal pour autant, puisqu’elle sera accompagnée sur scène par un mapping à 360°, dédoublant à la fois sa peau et nos entendements, passés, présents et même futurs. Chieh-hua Hsieh, arrivé à la danse en passant par l’architecture, nous promet une pièce structurée, qui cartographie les espaces réels et virtuels, le tout en floutant les matières et leurs frontières.
À Marseille, une balade étonnante ouvrira le Couvent Levat. Présentée comme une « expérience collective », Réalité[s]2 est un parcours d’œuvres inédites curatées par le collectif Deletere (spécialisé dans la recherche transmédia(1)) et les nouvelles technologies), dont le but semble vouloir mettre nos sens au carré, suivant un protocole d’accueil du public similaire à celui d’un centre de soin du futur (du 19 au 21).
À la Friche, tandis que Crari or not crari (les 20 et 21) proposera une déambulation avec réalité virtuelle dans les méandres adolescents, l’installation Hiku (le 20, en partenariat avec le Festival Parallèle) nous fera le rare privilège d’une rencontre avec des reclus, les hikikomori japonais, ces jeunes qui ont perdu tout intérêt pour la vie en société. En plus de ces points d’entrée vers des états radicaux et souvent incompris, on attend aussi beaucoup du son et de ses effets performatifs, avec Chansons de Toile, une transe guidée par le collectif La Pulpe au sein du module du Gmem (le 20). Enfin, une unique séance de Transient (le 20, au Grand Plateau) complète avec dextérité cette fin de programmation, puisqu’au lieu de doigts poussant les touches des pianos, nous verrons des coups de pinceaux écrire la musique. À moins que ce ne soit l’inverse… ? En clair, le concert audiovisuel improvisé par l’artiste Qualoya et le compositeur Andrea Santicchia (aka Seta) sera synchronisé par des algorithmes liant une peinture abstraite à tendance impressionniste à de l’électro expérimentale, s’exprimant respectivement — et de manière assez contradictoire —sur un écran géant et deux pianos à queue motorisés. Voilà qui s’annonce bien cadencé, et pour le moins majestueux.
Margot Dewavrin
Les Nuits de Clôture de Chroniques, Biennale des Imaginaires Numériques : du 18 au 21/01 à Marseille, Aix-en-Provence et Avignon.
Rens. : https://chroniques.org
Notes
- Le transmédia est un dispositif par lequel une fiction, un univers voit ses éléments dispersés sur différents supports (médias[↩]