Les opposants au PPP des écoles restent méfiants malgré l’annonce de l’étude d’un plan B
La Ville vient de lancer un marché pour étudier les différents types de montages alternatifs au PPP des écoles. Une bonne nouvelle pour les opposants au PPP ? Pas vraiment, répondent ces derniers qui restent sur leurs gardes.
Au premier abord, cela pouvait sonner comme une bonne nouvelle. En tout cas pour ceux que l’on nomme désormais les « anti-PPP ». La Ville de Marseille a en effet décidé de lancer un appel d’offre pour un marché qui vise à étudier les alternatives au partenariat public-privé pour la construction d’écoles (lire notre article). Cette mission consistera ainsi à passer en revue les différents montages possibles, dont la maîtrise d’ouvrage publique prônée par les opposants. Cette fois-ci, l’étude concernera même la totalité des 446 écoles marseillaises, et non plus les seuls 34 groupes scolaires que comprenait le PPP. Enfin, ces analyses devront inclure une concertation avec les usagers des établissements. Bref, de quoi, en apparence du moins, enchanter les opposants au projet.
« Il y a quelque part un aveu de défaite de la part de la mairie », réagit, satisfaite dans un premier temps, Françoise Berthelot, présidente du conseil régional de l’ordre des architectes. L’organisation, ainsi que trois contribuables marseillais, rejoints par des professionnels du bâtiment, se sont opposés au PPP jusque devant la justice (lire notre article). Laquelle a décidé de leur donner raison en février dernier en estimant que la mairie n’avait pas démontré que ce type de contrat, chiffré à 1 milliards d’euros, allait dans l’intérêt des contribuables (lire notre article). Une décision contestée par la mairie qui a décidé de faire appel.
« Une façon de noyer le poisson »
« Si on y réfléchit, c’est étrange de lancer ce marché et en même temps de faire appel », poursuit la présidente de l’ordre des architectes, finalement « perplexe » devant cet appel d’offre qui semble remettre en cause le PPP. « Manœuvre, provocation, coup de bluff ou véritable reconnaissance des torts ? Difficile à dire pour le moment… » Christian Bruschi, l’un des trois contribuables qui a déposé un recours contre le PPP, est plus catégorique : « Il ne faut pas oublier que cette étude laisse aussi la porte ouverte à un retour du PPP si l’appel ne fonctionne pas. »
L’ancien avocat imagine donc que cette étude pourrait in fine justifier le recours à un partenariat public-privé malgré une décision de justice qui l’annule. Il va plus loin : « S’ils avaient voulu faire un maîtrise d’ouvrage publique (MOP), ils l’auraient fait. Là, on peut le voir comme une façon de noyer le poisson, une façon contournée de revenir au PPP. Ils font mine de faire quelque chose sans vraiment rien faire pour finalement, peut-être faire ce qu’ils avaient prévu au début. »
« Qu’un cabinet étudie s’il faut appliquer un PPP ou un autre type de contrat, c’est une décision purement politique. Car en théorie, ça aurait du être fait avant ! », abonde un membre du collectif contre le PPP. Renommé collectif PRE (pour la rénovation des écoles), il réunit les trois citoyens porteurs du recours suscités mais aussi des syndicats d’entreprises, des syndicats de salariés, des représentants de parents d’élèves.
Jean-Claude Gondard, directeur des services de la Ville affirmait en effet en début de semaine dernière à Marsactu ne pas, à ce jour, exclure le marché de partenariat. « On peut gagner. Si nous avons perdu devant le tribunal administratif, c’est que nous nous sommes mal expliqués. Si nous réussissons à convaincre dans un délai politique acceptable, la solution du PPP sera conservée. »
« Arsenal du PPPiste en herbe »
Si une communication officielle du collectif contre le PPP est prévue pour les jours à venir, les premières réactions à chaud ne se sont pas fait attendre. Sur le compte Twitter du collectif, plusieurs publications témoignent d’un certain scepticisme.
Comme le souligne ce tweet, le marché porte effectivement sur une assistance à maîtrise d’ouvrage découpée en quatre axes : programmatique et technique, juridique et financier, environnemental et conduite du changement. Il consiste principalement à étudier les différents montages possibles. Sont cités la maîtrise d’ouvrage publique, prônée par les opposants au PPP, mais aussi le marché global de performance (MGP) et le marché de conception-réalisation.
La maîtrise d’ouvrage publique ferait appel à trois acteurs différents : un maître d’ouvrage (la Ville), un maître d’œuvre (qui élabore les études pour la conception) et une entreprise pour les travaux. En revanche, comme pour un PPP, en cas de marché global de performance ou de marché de conception-réalisation, le maître d’œuvre et l’entreprise chargée de la réalisation des travaux peuvent être représentés par un seul et même opérateur.
« La même arnaque mais sans les banques »
Pour Maxime Repaux, membre du syndicat des architectes des Bouches-du-Rhône et du collectif PRE, qui avait également porté un recours contre le PPP, cet appel d’offre n’a rien d’une bonne nouvelle. « Le marché global de performance ou de conception-réalisation, qui sont largement évoqués dans cet appel d’offre, sont les cousins du PPP. C’est la même arnaque mais sans les banques », lâche-t-il visiblement agacé.
Ces marchés diffèrent avant tout du PPP dans le sens où ils ne comprennent pas d’avances financières d’acteurs privés, ensuite répercutées tout au long du contrat dans les redevances versées par la Ville. Ainsi, au sein du collectif, certains ont tout de même le sentiment d’une avancée. « C’est globalement une bonne nouvelle car on acte le problème principal du PPP et on réoriente plus vers le marché global de performance, interprète après lecture du document un membre parent d’élève du collectif. Qui est quand même plus vertueux. » Outre un financement 100 % public, ce dernier salue également l’aspect environnemental très prégnant dans ce dernier type de marché et la promesse de la concertation. « Si celle-ci est respectée bien entendu. »
Sursis
Mais, même si certains opposants au PPP lisent dans cet appel d’offres une progression, ils sont loin d’être pleinement rassurés. « C’est toujours mieux que le PPP, mais cela restera un contrat passé avec une entreprise générale qui sous-traitera à des petites », tempère ce parent d’élève qui a notamment travaillé pour une collectivité territoriale dans le nord de la France dans l’exploitation et la maintenance d’infrastructures. Ce dernier point constituait en effet l’une des critiques faites par les opposants au PPP, notamment ceux du secteur du bâtiment.
La date de clôture de l’appel d’offres est prévue pour début juin pour une mise en œuvre quelques mois plus tard. Par ailleurs, la Ville a demandé un sursis à l’exécution de la décision du tribunal administratif. Si celui-ci l’accepte, la délibération qui acte le PPP resterait valable tant que la cour administrative d’appel n’a pas statué.
Violette Artaud